Les Béatitudes (9) – « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu »
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Chers membres des cellules,

 

Arrivés presque à la fin de ce parcours où nous égrainons les Béatitudes les unes après les autres, écoutons la pénultième : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. »

 

Commençons par dire quelques mots sur la paix. En hébreu, cela se dit shalom. Par ce mot, on désigne une plénitude et une harmonie dans une communion profonde. Cela n’a rien à voir avec l’arrêt des combats et l’armistice du 11 Novembre. La paix biblique n’est pas celle qui laisse un silence de mort, des cadavres à enterrer et des veuves à consoler avec un statu quo qui garde des belligérants à distance ou bien avec la gloire des vainqueurs qui signifie aussi l’humiliation et l’oppression des vaincus. On sent bien d’ailleurs que si les artisans de paix sont appelés fils de Dieu, les ennemis d’hier pourront découvrir la fraternité qu’entraîne inévitablement la filiation divine. Cette filiation et cette fraternité ont plus à voir avec le shalom qu’avec la pax romana.

Pour aller plus loin, disons que la paix appartient à Dieu et qu’il la donne à qui il veut. Gédéon en a fait l’expérience et lui a bâti un autel « sous le vocable de Seigneur-de-la-paix » (Jg 6, 24). Bien plus tard, saint Paul parlera du « Dieu de la paix » (Rm 15, 33 ; Ph 4, 9 ; 1Th 5, 23), du « Dieu d’amour et de paix » (2Co 13, 11). Dieu est Trinité sainte, « Dieu est amour » (1Jn 4, 8.16), et ainsi il est paix.

 

Une autre remarque à faire est que cette béatitude nous invite à être des artisans ou des faiseurs de paix. Cela peut nous paraître étrange si nous avons compris que la paix est don de Dieu. Pouvons-nous la bâtir ? Ne devons-nous pas plutôt la demander comme une grâce ? Certes, mais l’un n’empêche pas l’autre.

 

Il en est de même pour la Jérusalem céleste, dont le nom signifie précisément “ville de paix”. Nous savons que cette Jérusalem descendra du ciel, ainsi que l’a vu le voyant de l’Apocalypse (ch. 21). Pour autant, nous pouvons œuvrer pour donner au monde la paix parce que cette Jérusalem descend déjà du ciel, notamment au cours de la messe où nous recevons la paix du Christ (relire toutes les prières entre le Notre Père et la communion) pour partir toute la semaine en mission « dans la paix du Christ ».

 

Dans le même sens, si Dieu a voulu « que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix » (Col 1, 20), les effets de la Pâque se déploient du Christ à son Eglise. Ressuscité, il donne la paix à ses apôtres (cf. Jn 14, 27 ; 20, 19.21.26) et les envoie en ministres de réconciliation (vv. 22-23).

 

Déjà, avant la résurrection, entrant dans une maison, les disciples-missionnaires devaient révéler la proximité du Royaume et offrir sa paix (cf. Lc 10, 3-9). Ils continueront à le faire ensuite, en « annonçant la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ » (Ac 10, 36 ; cf. Ep 2, 17). En répandant sur nous son Esprit, le Christ qui donne « de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 12) nous permet d’œuvrer pour la paix parce que « la chair tend vers la mort, mais l’Esprit tend vers la vie et la paix » (Rm 8, 6) et que « le fruit de l’Esprit [est] amour, joie et paix… » (Ga 5, 22).

 

Pour être artisans de paix, il nous faut d’abord la recevoir de Dieu, comme un fils de son père mais ensuite, il faut la donner ou la porter aux autres, dans tous les lieux de séparation, d’opposition, de haine.

 

Un peu plus loin dans le sermon sur la montage, Jésus nous exhorte à imiter le Père : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » (Mt 5, 44b-45) L’amour gratuit, comme celui du Père, est le seul capable de faire advenir la paix. C’est l’amour qui pardonne, mais aussi qui donne à celui qui a besoin (cf. Jc 2, 16) ou simplement qui se donne de la peine pour rétablir la justice. En effet, « c’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix. » (Jc 3, 18)

 

Pour finir, je vous redis que le Royaume de Dieu est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14, 17) et pour que vous sachiez l’accueillir, l’annoncer et travailler à son plein avènement, je vous bénis.