Les Béatitudes (5) – « Heureux les doux car ils recevront la terre en héritage »
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Chers membres des cellules,

 

Passons à la béatitude suivante : « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. »

 

Mais avant de chercher à la commenter, je veux répondre à une interrogation qui a pu apparaître la semaine dernière. Suivant la Bible que vous utilisez, il est possible que les deuxième et troisième béatitudes soient inversées. La raison en est simplement que les manuscrits les plus anciens ne sont pas d’accord sur cet ordre et que nous sommes donc face à une double tradition, devant laquelle il est impossible de trancher. Ce détail nous donnerait à réfléchir sur les Ecritures Saintes mais ce n’est pas notre objet aujourd’hui. Pour entrer plus directement dans notre sujet, je voudrais partir de Moïse dont l’Ecriture affirme que Dieu « l’a consacré pour sa fidélité et sa douceur et l’a choisi entre tous les vivants. » (Si 45, 4)

 

C’est justement au moment où ce choix a été contesté par « sa sœur Miryam et son frère Aaron » que le livre des Nombres signale que « Moïse était très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté. » (12, 3) J’utilise généralement la traduction liturgique mais il faut savoir que la traduction grecque de ce verset a choisi le même mot que celui de la béatitude que nous étudions : « Moïse était très doux, l’homme le plus doux que la terre ait porté. » D’ailleurs, dans cet épisode où il était critiqué par sa propre famille, ce n’est pas lui qui a pris sa défense mais Dieu.

 

Nous pouvons également penser à un autre épisode entendu récemment un dimanche, celui d’Eldad et Médad qui avaient reçu une part de l’esprit prophétique sans s’être rendus à la convocation auprès de Moïse (Nb 11, 26). Bien loin d’être jaloux et de les arrêter comme le lui suggérait Josué, Moïse aurait plutôt souhaité que le Seigneur fasse « de tout son peuple un peuple de prophètes. » (v. 29) La douceur de Moïse semble venir du fait qu’il ne doute pas du choix de Dieu et de la mission qu’il a reçue. Ainsi, il peut faire ce qu’il a à faire, sous la conduite de Dieu et en lui laissant la responsabilité et le soin de mener les choses comme il l’entend. Moïse est toujours en présence du Seigneur et se présente comme un simple instrument à son service. Il ne défend pas ses propres affaires mais sert humblement le Tout-Puissant.

 

Avec tout cela, Moïse n’est qu’une figure pour annoncer le véritable serviteur du Seigneur, le nouveau Moïse qu’est Jésus, lui qui appelle à venir vers lui en disant : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. » (Mt 11, 29)

 

Au-delà du joug de la loi de Moïse, Jésus vient donner le joug de la loi nouvelle, celle de l’Evangile, en ajoutant : « mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » (v. 30) La douceur du cœur de Jésus rend le service de Dieu léger et est pour chacun de nous un don que nous devons demander à l’Esprit Saint, lui dont le fruit est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. » (Ga 5, 22-23)

 

Comme l’avait annoncé le livre de la Sagesse, c’est dans la Passion du Christ que cette douceur est apparue dans toute sa force et tout son rayonnement. Ses adversaires, en effet, se sont dit : « Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. » (Sg 2, 19)

 

En nous souvenant des paroles de saint Pierre, regardons Jésus dans ces heures-là : « Insulté, il ne rendait pas l’insulte, dans la souffrance, il ne menaçait pas, mais il s’abandonnait à Celui qui juge avec justice. » (1Pi 2, 23) L’homme dont la douceur est la force sait bien qu’à la fin, il pourra affirmer, comme Ben Sira le Sage : « Le Seigneur a renversé les princes de leurs trônes et installé les doux à leur place. » (Si 10, 14) Il chante aussi avec le psalmiste : « Les doux posséderont la terre et jouiront d’une abondante paix. » (Ps 36, 11)

 

Souvenons-nous, frères et sœurs, des appels de saint Paul, ce violent qui a revêtu la douceur du Christ. Pour cela, je vous laisse une petite série de références : Ga 6, 1 ; Ep 4, 2 ; Col 3, 12 ; 1Th 2, 7 ; 1Tm 6, 11 ; 2Tm 2, 25 ; Tt 3, 2.

 

Et de grand cœur, je vous bénis.