Les Béatitudes (3) – « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux »
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Chers membres des cellules,

 

A partir d’aujourd’hui, voyons les Béatitudes dans l’ordre. La première est d’ailleurs à mon avis la plus fondamentale : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux. »

 

Il me semble, en effet, que toutes les autres ne sont réellement possibles qu’à partir de celle-là. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que la pauvreté est la condition indispensable pour recevoir les dons de Dieu. Le cœur qui est plein et qui pense être riche est incapable de recevoir des autres et, avant tout, de Dieu. Vis-à-vis du Père, la pauvreté est la qualité du Fils.

Personnellement, cela me fait penser à la fois où le Christ appelle ses disciples à « accueillir le Royaume de Dieu à la manière d’un enfant » (cf. Mc 10, 15).

Je pense aussi à la parole entendue par Sainte Catherine de Sienne : « Fais-toi capacité, je me ferai torrent. »

 

La pauvreté du cœur conditionne la place que nous avons en nous-même pour accueillir ce que Dieu, qui n’est qu’amour, veut nous donner. Nous verrons plus tard comme cela rejoint la béatitude de « ceux qui ont faim et soif de la justice. »

Dans son exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel, Exsultate et Gaudete, le Pape François fait un rapide commentaire des huit béatitudes. Je le citerai donc parfois. Dans le même sens que ce que nous avons commencé à dire, il écrit : « quand le cœur se sent riche, il est tellement satisfait de lui-même qu’il n’y a plus de place pour la Parole de Dieu, pour aimer les frères ni pour jouir des choses les plus importantes de la vie. » (n° 68)

Jusqu’à présent, j’ai évoqué la pauvreté de cœur à propos de la relation à Dieu notre Père mais il apparaît ici qu’elle concerne tout autant la relation aux autres en soulignant particulièrement l’aspect d’accueil et d’écoute, la place que l’on est capable de faire en soi pour recevoir l’autre et de l’autre.

 

Pour comprendre les paroles du Seigneur Jésus, il est toujours intéressant de scruter l’Ancien Testament qui est évidemment son principal univers culturel. Le thème de la pauvreté y est présent et, sans prétendre être exhaustif, je voudrais en évoquer quelques occurrences.

Il y a tout d’abord ce que Dieu dit à son peuple au terme de son exode : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. » (Dt 8, 2-3) Ces paroles peuvent nous aider à recevoir comme une grâce tout ce qui nous dépouille et nous ouvre donc à ce qui compte le plus et que Dieu seul peut nous donner.

 

Il y a aussi cette attitude fondamentale qui revient comme un refrain dans les psaumes : « Je suis pauvre et malheureux. » (Ps 39 [40], 18 ; 69 [70], 6 ; 85 [86], 1 ; 108 [109], 22) et qui ouvre à se tourner vers Dieu, à mettre toute sa confiance en lui et à espérer son salut. Enfin, il faut évoquer ceux qu’on a appelés les ‘anawim’, les pauvres du Seigneur, après la catastrophe de la chute de Jérusalem et de la déportation à Babylone. Israël avait tout perdu mais un petit reste est fidèle à l’alliance et continue de tout attendre du Seigneur. C’est ce que Dieu lui-même avait annoncé : « Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur. » (So 3, 12) A ce moment, Dieu dit aussi : « Celui que je regarde, c’est le pauvre, celui qui a l’esprit abattu et tremble à ma parole. » (Is 66, 2)

 

Pour terminer, je cite à nouveau le Pape François qui nous indique une attitude qu’ont choisie beaucoup de saints : « Luc ne parle pas d’une pauvreté en “esprit” mais d’être “pauvre” tout court (cf. Lc 6, 20), et ainsi il nous invite également à une existence austère et dépouillée. De cette façon, il nous appelle à partager la vie des plus pauvres, la vie que les Apôtres ont menée, et en définitive à nous configurer à Jésus qui, étant riche, “s’est fait pauvre” (2 Co 8, 9). » (n° 70)

 

Pour que nos cœurs se simplifient et reconnaissent Dieu comme leur seul trésor, je vous bénis.