Le partage avec l’Oïkos
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Chers frères et sœurs,

En continuant à remonter le filet, nous arrivons à une nouvelle étape décrite par le simple mot de “partage”. Mettons-nous tout de suite d’accord sur le fait qu’il ne s’agit pas ici de partager quelque chose mais quelqu’un : le Christ, notre Ami, notre Seigneur, notre Sauveur et notre Dieu. L’étape précédente du service supposait bien sûr que nous puissions partager des choses ou plus souvent du temps et de l’amour mais il nous faut être attentifs aux moments opportuns où il nous sera possible de partager notre relation avec Jésus, sa personne ou sa présence et ses œuvres dans notre vie, dans la vie de tous et dans le monde.

Dans le filet, à partir du bas, c’est-à-dire de notre oïkos, nous rencontrons d’abord les deux mots de prière et de service. Il est important de noter que s’il y a cet ordre à respecter, ces deux premières “étapes” ne sont pas à proprement parler des étapes car, nous l’avons déjà fait comprendre, ce sont des attitudes permanentes de notre part. Nous devons aimer les personnes en priant pour elles et en les servant. Ni la prière, ni le service ne sont censés s’arrêter parce que nous passerions à une étape suivante. Il en sera de même pour notre vigilance à déceler et à saisir les occasions de partager notre expérience de foi. Vous avez bien compris que ce qui est permanent, c’est notre vigilance à déceler les occasions et notre disponibilité à les saisir ; ce n’est évidemment pas de parler en permanence de Jésus ou des choses de la foi. Ce serait d’ailleurs absolument contreproductif et particulièrement indélicat vis-à-vis des personnes. La pédagogie des cellules est clairement contraire au prosélytisme, entendu dans le sens négatif que ce terme a pris aujourd’hui. Pour autant, le Christ ayant saisi notre vie et sa connaissance étant comme le « trésor caché dans un champ » ou la « perle de grande valeur » (Mt 13, 44-46), le commandement missionnaire du Ressuscité est pour nous le plus doux des devoirs qui jaillit de notre amour pour lui et pour nos frères plus que d’une quelconque obligation extérieure. D’une part, cet amour nous rend attentifs aux moments favorables et nous fait dépasser nos timidités lorsque ceux-ci se présentent. D’autre part, il nous rend patients et respectueux du cheminement personnel de ceux à qui nous voudrions partager le trésor de l’Evangile. Comme le dit saint Paul, « l’amour du Christ nous saisit » (2Co 5, 14) et en même temps « l’amour prend patience […] ; il supporte tout […], il espère tout » (1Co 13, 4).

Dans son encyclique Evangelium Nuntiandi, saint Paul VI nous parle lui-même de la transmission de l’Evangile, de personne à personne, « cette forme d’annonce par laquelle la conscience personnelle d’un homme est atteinte, touchée par une parole tout à fait extraordinaire qu’il reçoit d’un autre ». Et il pose la question : « Y aurait-il au fond une autre manière de livrer l’Evangile, que de transmettre à un autre sa propre expérience de la foi ? » (n° 46) Mais avons-nous une parole extraordinaire à partager ? Des chrétiens se disent qu’ils n’ont pas vécu de conversion fulgurante comme nous en entendons parfois le récit. Cependant, lorsque Benoît XVI écrit qu’à l’origine du fait d’être chrétien, il y a « la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Deus Caritas Est, n° 1), nous comprenons que nous avons tous quelque chose d’extraordinaire à dire. Cela nous oblige à relire notre histoire et notre relation avec le Christ avec tout ce qu’il a fait pour nous et avec tout ce que ses paroles, ses œuvres et sa personne même ont changé et édifié dans notre vie.

Il est bon que ce partage réponde aux critères ABC, c’est-à-dire qu’il soit authentique, bref et christocentrique. Le partage réel d’une vie ne peut être contesté et il a en lui-même une grande force. La brièveté nous permet d’aller à l’essentiel et de rester justement centré sur le Christ plutôt que sur nous. Notre partage doit conduire notre interlocuteur à tourner son esprit vers Jésus et à désirer faire lui aussi l’expérience qu’il est vivant et qu’il est possible de le rencontrer.

Pour rester bref, moi aussi, déjà je m’arrête mais j’aurai l’occasion d’y revenir. Je vous bénis.

Questions pour la réflexion commune

« L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » (2Co 5, 14-15)

Puis-je dire que l’amour du Christ (mon amour pour le Christ ou même, plus profondément, l’amour du Christ pour tous les hommes) me saisit ?

Que signifie que ma vie est centrée sur le Christ ? L’est-elle vraiment ? L’a-t-elle été davantage à certains moments de vie ?

Ai-je déjà fait le “travail” de relire mon histoire sainte et d’élaborer mon témoignage personnel sur le Christ dans ma vie ? « Pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16, 15), demande Jésus à ceux qui devront l’annoncer. Ai-je parfois réalisé que j’avais laissé passer des occasions d’offrir mon partage ou au contraire que j’avais forcé les choses et été trop pressé de le faire ?