ENTRE LE BŒUF…  Petit conte de Noël (raconté par le petit mouton)
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« Entre le bœuf et l’âne gris

Dort, dort, dort le petit fils… »

Le chant s’élevait, doucement, et le bébé dormait.

Le bœuf n’en revenait pas de ce début de soirée. Il était revenu bien sagement à son étable, après une dure journée de travail, avec son compagnon (car les bœufs vont toujours deux par deux) , comme tous les autres jours .

Et puis le maître était arrivé, amenant ce jeune couple un peu paumé : la femme allait accoucher, personne ne savait trop où les mettre ; et leur bébé était né là, dans la mangeoire.

Et puis il avait fallu encore se pousser pour faire la place à leur âne : ce n’est pas une compagnie pour un bœuf : on dit bien « fort comme un bœuf » et…  « bête comme un âne ».

Et Marie, la maman lui avait gentiment demandé : « mon bœuf, approche-toi ;  pour que ton souffle réchauffe mon bébé. »

 

Et dans un coin, qui c’était ? Il n’en croyait pas ses grands yeux de bœuf : Dieu était là et regardait, et au bœuf, il s’était fait voir car ce soir, c’était spécial : Dieu se faisait proche. Le bœuf voulut appeler les parents, mais Dieu l’arrêta :

« Laisse, bœuf, laisse les tranquille. Je ne suis là que pour toi, une créature un peu sacrifiée, un peu bricolée, qui ne sera jamais papa, mais je t’aime bien tel que les hommes t’ont fait et je veux te dire pour eux merci de ton accueil.

– Seigneur, que fais-tu là, dans mon étable ? Ce n’est pas un lieu pour toi : il y a le temple, les églises, les cathédrales. Ce ne sont ici jamais que deux SdF que mon maître a amenés là, car il ne savait qu’en faire, pour que leur bébé naisse.

– Bœuf, ces gens ne sont pas d’ici, il faut leur faire une place. Et puis, c’est un enfant qui naît ; tout ce qui naît, tout ce qui vit grand ou petit est cher à mon cœur, car la vie, c’est Moi qui la donne. Et celui-ci, c’est mon Fils que j’ai confié aux hommes, à ce couple, pour que par lui, je devienne présent à tous ces hommes et ces femmes que j’ai créés et qui me sont tellement chers.

– Tout de même, Oh Dieu, si c’est ton Fils, tu aurais pu réserver  une belle chambre d’hôtel, il fallait expliquer à l’aubergiste…

– Laisse, il avait à faire avec tous ces gens qui lui déboulaient dessus du fait de ce recensement qui tombe bien mal. Mais il a essayé d’être gentil en les mettant  ici, dans un coin tranquille. Et sa femme n’est-elle pas venue pour voir si tout se passait bien ?

– Le confort est un peu minimum, tu aurais pu prendre au moins un « Formule-1 »…

– Je ne veux pas que mon Fils vienne comme un fils de Roi ou de Président ou de VIP de ce monde, même si certains m’appellent ainsi ; mon Fils vient partager la vie des hommes et des femmes que j’ai créés, même les plus humbles

Le bœuf était un peu interloqué

« C’est tout de même un grand évènement : il faudrait prévenir les responsables, le maire, le préfet, le prêtre local

– Justement, j’ai envoyé mes anges porter un faire-part à un groupe de bergers qui sont dans le coin ; et ils ont envie de venir. Que veux-tu ? Les autres, ils font la fête, ils réveillonnent (et c’est bien de faire la fête) et ils ont la tête ailleurs. Mais ces bergers, qu’on regarde de haut, leurs cœurs sont ouverts. Alors, c’est eux les plus importants pour moi, aujourd’hui.

Le bœuf était encore plus interloqué

« Je ne suis pas savant ; ce sont les hommes qui lisent les prophètes ; mais je n’imaginais pas les choses comme cela. Ton fils méritait un accueil plus somptueux.

– Bœuf, j’ai planté là-haut dans le ciel mon étoile : cela se voit ? Personne ne l’a remarquée ; ah, si au loin, il y en a qui l’ont vue et ils sont en marche. Mais ce ne sont pas des gens d’ici ; ils viennent de loin, mais leur cœur est proche de ma promesse.

– Ton fils va pouvoir avoir un beau cadeau de naissance, ces gens sont riches et les parents du bébé en ont bien besoin

– Oui, ils vont le combler, mais le plus important, c’est que eux, des étrangers, soient venus, car je les aime tout autant. Et toi de ton côté, faisapprocher ce petit âne, que tu méprises un peu, et qui va jouer un grand rôle : « Voici ton Roi qui vient à toi ; humble, il vient monté sur une ânesse, sur un ânon, le petit d’une bête de somme…l’arc qui sert pour la guerre sera brisé.Ce roi établira la paix parmi les peuples». Et oublie le bonnet d’âne qu’on ne met plus d’ailleurs sur la tête des enfants. »

Le bœuf restait songeur. Tout cela était tellement nouveau, tellement inattendu. Et puis il entendit un bruit de pas et on toquait à la porte et des voix timidement demandaient : « C’est ici qu’il est né le bébé, le sauveur ? On peut entrer ? » Alors le bœuf se tourna vers l’âne

« Ane, mon frère, c’est aussi notre fête ce soir. Et ce que nous faisons aujourd’hui, ce sera inscrit et raconté partout dans les temps qui suivront»

Joseph, le papa, ouvrit la porte, et les bergers entrèrent, l’âne et le bœuf se tenaient chacun d’un côté de la mangeoire, soufflant sur le nouveau-né pour le réchauffer, et Marie, la maman, reprit sa berceuse

« Entre le bœuf et l’âne gris

Dort, dort, dort mon petit fils

Mille anges divins, mille séraphins
Volent à  l’entour de ce grand Dieu d’amour. »

Au  loin, une caravane approchait. Et Dieu vit que cela était très bon.

 

Le petit mouton qui n’a rien dit et qui a tout vu