D’après les précisions géographiques de l’évangéliste, l’homme sourd que « des gens amènent » à Jésus est un païen. Cet homme n’est pas muet mais il a « de la difficulté à parler ». Ce double handicap est symbolique de la situation de tous les païens. En effet, juste avant le récit de l’alliance avec Abraham, la Bible raconte l’épisode de Babel où « le Seigneur embrouilla la langue des habitants de toute la terre » et ce n’est qu’ensuite qu’il se choisit un peuple pour l’éduquer patiemment par ses prophètes, lui faisant entendre sa Parole et lui apprenant à s’adresser à son Créateur et Sauveur.
Voici donc que Jésus, le Verbe fait chair, est venu guérir les païens aussi bien que les juifs, toute cette humanité handicapée jusqu’au plus profond de son coeur par les conséquences du péché. Les gestes qu’il pose et sa parole efficace évoquent clairement ceux de la Création lorsque « le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol [et] insuffla dans ses narines le souffle de vie » (Gn 2, 7), lorsque par sa parole puissante, il « créa l’homme à son image » (Gn 1, 27).
Bien sûr, la rencontre avec Jésus est une expérience personnelle comme le traduit le fait que Jésus « emmena [cet homme] à l’écart, loin de la foule » : chacun d’entre nous raconterait différemment comment il a senti les doigts du Sauveur dans ses oreilles ou bien comment, sourd, il a malgré tout entendu la Parole de Dieu qui l’appelait à s’ouvrir. Pourtant – et c’est une loi de l’Incarnation – ces rencontres ont été facilitées par « des gens ».
Qui donc aujourd’hui acceptera d’être de ces gens ?
Abbé Bruno Bettoli+