On imagine généralement que si on avait vécu en Palestine du temps de Jésus, on aurait été du côté des bons… mais ce n’était pas si simple.
Si on regarde Simon, qui essaye de comprendre, on ne peut pas dire qu’il manque totalement de bon sens. Il est agacé par cette femme qui pleure comme une fontaine, mais il a des excuses.
On peut transposer la scène et se la représenter lors d’une réception actuelle : alors que tout le monde prend l’apéritif, une femme que l’on n’attendait pas, entre et commence à embrasser les pieds de l’un des invités et à les essuyer avec ses cheveux. On
peut imaginer l’ambiance !
Simon est mal à l’aise, mais il faut reconnaître qu’il est excusable.
Et en voyant que Jésus se laisse faire, il ne comprend pas… s’il avait un peu de méfiance, cela confirme ses soupçons : il trouve que tout cela sent le faux mystique et le faux prophète à plein nez !
Il se dit : “Si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse.”
Simon ne manque pas de bon sens : il essaye d’avoir ce que nous appelons du discernement spirituel, et ce n’était pas facile.
D’autre part, il a le sens du péché, et cela, Jésus ne le lui reproche pas : Jésus lui-même ne dit pas que la femme est sans péché, ou que ses péchés sont sans importance. Il dit : “ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés.”
Quelle est précisément l’erreur de Simon ?
Il pense que les pécheurs doivent être tenus à l’écart.
Il pense que le contact avec les pécheurs rend impur.
Ce n’est pas une erreur de détail ou une subtilité théologique.
Cela veut dire que lui, Simon, considère qu’il ne fait pas partie de la catégorie des pécheurs, et il pense que si Jésus était un vrai prophète : un vrai représentant de Dieu, il ne se laisserait pas approcher par un pécheur, et encore moins par une
pécheresse !
Simon essaye de se garder du péché, et il a raison. Mais il pense également que Dieu n’aime pas les pécheurs, et là, il se trompe gravement. Si Dieu n’aimait pas les pécheurs, il n’aimerait personne.
Dieu aime les pécheurs : il aime pardonner, et le seul obstacle à son pardon, c’est le sentiment que l’on n’a rien à se faire pardonner !
Simon aussi est pécheur… peut-être pas autant que la femme… peut-être pas sur les mêmes choses… mais ce n’est qu’une question de degré.
Et, en fait, sa situation est bien plus grave que celle de la femme, parce qu’il s’est endurci : il s’est construit un petit système de pensée qui lui permet de justifier chacun de ses péchés, de sorte qu’il s’est rendu imperméable au pardon de Dieu, et donc
imperméable à l’amour de Dieu.
La femme a, peut-être, fait plus de péchés, mais elle les regrette intensément, et elle fait l’expérience de l’amour de Dieu : “Si ses nombreux péchés, sont pardonnés, c’est à cause de son grand amour.”
Contrairement à ce que croyait Simon, Jésus est un vrai prophète, parce que tout son comportement est la révélation des sentiments de Dieu pour les pécheurs… et les sentiments de Dieu sont parfois surprenants, ce qui peut amener Jésus a des attitudes ou à des
situations qui peuvent étonner, même des hommes de bonne foi.
JCP
“Ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés.” (Lc 7,47)
Dominicales n° 580 - 13 juin 2010 - 11e dimanche du temps ordinaire (Année C)
“Ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés.” (Lc 7,47)