À la transfiguration, Jésus apparaît dans sa gloire : c’est un moment inhabituel. Il avait plutôt choisi l’humilité de la condition humaine pour se mettre à notre portée. Il avait choisi d’être homme pour nous parler dans notre langage. Mais il a donné aussi
des signes de sa condition divine : des guérisons qui étaient des signes de son pouvoir divin et, en même temps, de la tendresse divine.
Et ce jour-là, sur la montagne, il donne à Pierre, Jacques et Jean un signe : il leur montre ce qu’il est : la Transfiguration est un moment unique, mais ce n’est pas une anomalie. Jésus est une personne divine ; en manifestant sa gloire, on peut dire qu’il se
montre dans sa réalité.
Une théophanie est une manifestation divine. Dans la principale théophanie de l’Ancien Testament, Yahvé avait manifesté sa gloire à Moïse et lui avait révélé sa Parole.
Dans cette théophanie de l’Évangile, il y a un aspect totalement nouveau : ce n’est pas Dieu qui se manifeste à Jésus ; c’est Jésus lui-même qui manifeste sa gloire : c’est lui qui se manifeste comme Dieu.
La voix du Père qui se fait entendre a seulement deux choses à nous dire : « Celui-ci est mon Fils » … et ensuite : « Écoutez-le. »
Quand Moïse avait entendu la voix de Dieu sur la montagne, il avait reçu les dix commandements : les dix “Paroles” de Dieu. Avec Moïse, Dieu était entré dans les détails.
Mais ici, pour ceux qui accompagnent Jésus sur la montagne, il n’y a plus qu’un seul commandement : « Écoutez-le. » La voix du Père n’entre pas dans les détails. C’est lui, Jésus, qui est la Parole de Dieu : il est la révélation définitive de Dieu. Il est le
Verbe : la Parole de Dieu. Saint Jean dira que le Verbe s’est fait chair : celui qui est la Parole de Dieu a partagé notre condition charnelle. Moïse était un prophète : un messager de Dieu. Jésus est beaucoup plus qu’un messager de Dieu : il est Dieu en
personne qui nous donne son message.
Les disciples ont-ils réalisé tout cela sur le moment ? Il ne semble pas. Cet Évangile laisse entendre qu’ils n’étaient pas très en forme ce jour là. Pierre voulait faire trois tentes, et saint Luc précise qu’il ne savait pas ce qu’il disait.
Après la Transfiguration, quand Jésus lui annonce ses souffrances et sa Passion qui auront lieu à Jérusalem, Pierre ne comprend plus rien. Il faut reconnaître que le contraste était violent : un Messie qui apparaît comme un être divin, et qui, dans la foulée
annonce sa mort sur la croix !
Si Jésus a manifesté sa gloire divine, c’était aussi pour préparer ses disciples aux épreuves de la Passion. Pierre qui voulait donner sa vie pour Jésus va chanceler plusieurs fois.
Pour marcher jusqu’au bout à la suite de Jésus, Pierre aura besoin de cette lumière; et il devra passer par des conversions successives. Sur le calvaire, tout ce qu’il attendait du Messie lui semble compromis, et pourtant c’est le sacrifice qui donne au monde
le pardon et la filiation adoptive.
Nous aussi, nous devons passer par des conversions successives. Ce temps du carême est un temps de conversion : pour sacrifier ce qui peut faire obstacle à la sainteté.
Comme Pierre, nous avons peur de tout perdre. Mais, en fait, qu’est-ce que Dieu nous demande de sacrifier ? Notre médiocrité, pour recevoir celui qui est la Vie. Qu’est-ce qu’on sacrifie ? Ce qui fait obstacle à la rencontre de Dieu. On sacrifie ce qui n’est
rien, pour tout gagner.
Tout effort pour résister à la fraude, au mensonge, à l’impureté ; tout progrès dans le partage, dans la patience, le pardon et la miséricorde, dans le service et la disponibilité, constitue déjà une entrée dans la gloire du Fils unique. Jésus est la Parole de
Dieu, nous le croyons, mais nous avons du mal à vraiment entendre cette Parole, à nous laisser combler de grâce, et à nous laisser purifier de ce qui fait obstacle à la Vie.
JCP
« Écoutez-le. » (Luc 9,35)
Dominicales n° 686 - 24 février 2013 - 2e dimanche de Carême (Année C)
« Écoutez-le. » (Luc 9,35)