Miracles : Dieu fait signe
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Le 11 février 2018, jour de la fête de Notre-Dame de Lourdes, l’évêque de Beauvais déclarait dans un mandement adressé aux fidèles de son diocèse : « reconnaître le « caractère prodigieux-miraculeux » de cette guérison, comme signe donné par Dieu, par l’intercession de Notre Dame de Lourdes ». Ainsi était reconnu le 70ièmemiracle de Lourdes. Nous avons voulu en savoir plus.

 

LES FAITS

Revenons 50 ans plus tôt : « Depuis fin 1966 jusqu’à juillet 2008, Sœur Bernadette Moriau, oblate de Sacré-Cœur de Jésus souffrait d’une maladie grave et progressivement invalidante, qui l’a conduite à une mise en invalidité définitive, en 1987 (« atteinte des racines lombaires et sacrées »). En février 2008, elle est encouragée à faire le pèlerinage à Lourdes. Au cours de ce pèlerinage, qu’elle effectue simplement et avec joie, sans rien demander pour elle-même, elle suit les divers temps du pèlerinage et vit plus intensément les démarches pénitentielles et eucharistiques, et les visites à la grotte.

De retour, le 11 juillet, en fin d’après-midi, elle prend un temps d’adoration qu’elle vit en communion avec Lourdes et le pèlerinage qu’elle vient d’y faire. Revenue dans sa chambre, elle se sent appelée à quitter ses appareils : corset, attelle de jambe, arrêt du neurostimulateur. Dans la foi, elle s’exécute. Immédiatement, elle se met à marcher sans aide, de manière totalement autonome. Elle en prend à témoin ses sœurs qui ne peuvent que constater le changement Elle se rend chez son médecin traitant qui constate le changement. Les spécialistes qui la suivaient feront de même.

 

LA PROCEDURE[i]

Depuis les premières guérisons qui ont suivi les apparitions de Lourdes, une procédure de reconnaissance des miracles a été élaborée et qui aujourd’hui suit le schéma suivant:

Une personne guérit

Elle se rend au Bureau des Constatations Médicales (« BCA ») à Lourdes. Le médecin enregistre la déclaration et essaie de se faire une première idée : s’agissait-il d’une maladie ou d’un handicap sérieux ? La guérison semble-t-elle effective ? Si la réponse à ces deux questions est positive, le fait est-il exceptionnel ? Quel est l’état psychologique de la personne ? Si le médecin juge qu’il vaut la peine de poursuivre l’enquête, il va demander à la personne de réunir le maximum de pièces pour étayer le diagnostic car les médecins de Lourdes se sont toujours posé une question : la personne était-elle effectivement atteinte de la maladie dont elle pensait être victime ? Etant donné qu’elle est guérie, il est impossible de vérifier ses dires, autrement que par les examens subis avant la guérison.

Le médecin va aussi demander à la personne de revenir l’année suivante, puisqu’un des critères du sérieux de la guérison est sa permanence.

Autant pour réunir les pièces du dossier que pour tester la permanence de la guérison, cette phase peut durer des années : 10 ans pour Sœur Bernadette, 47 ans pour le 68ème,
S’il a été possible de constituer un dossier et si la personne revient à Lourdes, le médecin peut réunir un « Bureau des Constatations Médicales » (« BCA »). Tous les médecins présents à Lourdes ce jour-là, sans distinction de leurs convictions personnelles, sont invités à se réunir en présence de la personne concernée. Ils peuvent poser toutes les questions qu’ils souhaitent et discuter entre eux sur la solidité du diagnostic et sur les évolutions connues de cette maladie. Toute cette phase consiste à “constater”la guérison.

Si la guérison est effectivement constatée par le BCA, le dossier est transmis au Comité Médical International de Lourdes. D’habitude, le CMIL nomme un de ses membres pour approfondir l’examen du dossier. Avant de rendre son jugement, le CMIL tient compte des sept « critères de Lambertini»[ii]– S’il reste une marge d’incertitude sur le diagnostic, le CMIL pourra se contenter de la “confirmer” : oui, cette personne allait mal ; oui, depuis des années et aujourd’hui, elle va bien ; oui, ce changement brutal est lié à Lourdes. Le CMIL peut aller plus loin et “certifier” que le mode de cette guérison reste inexpliqué dans l’état actuel des connaissances scientifiques. [Contrairement à ce qu’on peut lire parfois le CMIL ne prononce pas le mot miracle et il se garde d’employer le mot « inexplicable » trop définitif] L’approbation doit recueillir les deux tiers des voix. Rendue en novembre 2016 dans le cas de Sœur Bernadette.

Sur les conclusions du CMIL avec l’avis des personnes qu’il a consultées dans son diocèse, mais sans avoir à recourir à Rome, l’évêque du diocèse de la personne guérie décide de la reconnaissance publique par l’Eglise d’un miracle ; c’est une décision personnelle.S’agissant du cas de Sœur Bernadette écoutons l’évêque de Beauvais : « Informé fin février 2017, ayant laissé s’écouler plusieurs mois, comme il est prévu dans ce genre de situation, j’ai composé et réuni une commission diocésaine diversifiée chargée de me donner son avis sur la nature de cette guérison et les suites qu’il serait possible de lui donner. Après l’avoir entendue, compte tenu de la conclusion du Comité Médical et des liens étroits entre sa guérison et le pèlerinage effectué par Sœur Bernadette, à Lourdes, et après avoir prié, j’ai décidé de reconnaître le « caractère prodigieux-miraculeux » de cette guérison, comme signe donné par Dieu, par l’intercession de Notre Dame de Lourdes.[iii]

Sur 7000 dossiers déposés depuis 160 ans, 2500 ont été considérés comme recevables et seulement 70 ont été considérés miraculeux.

 

ET LA FOI ?

Au plan de la raison, le caractère extraordinairede la guérison de sœur Bernadette ne fait aucun doute, sa coïncidence avec un pèlerinage à Lourdes non plus. Cependant, le lien de causalité entre cette guérison et le signe d’une intervention de Dieu est une question de foi : on ne peut établir de lien rationnel entre les deux éléments.

La conclusion de l’athée sera tout autre mais relève aussi d’une conviction : « ce qui est inexpliqué aujourd’hui le sera un jour par des causes naturelles puisque Dieu n’existe pas ».

Au plan de la raison ces deux conclusions se valent, bien qu’en tant que chrétien je sois acquis au caractère miraculeux de la guérison de sœur Bernadette comme signe de l’intervention de Dieu.

Notre monde contemporain considère rapidement que tout ce qui n’est pas établi par la raison est superstition : est-ce bien… raisonnable ? L’irruption du surnaturel dans notre monde matérialiste jette un trouble car si Dieu envoie des signes c’est pour le bien de l’homme : bien physique de la guérison et bien spirituel de l’appel à la conversion.

Pendant son passage sur le terre Jésus nous a envoyé des signes pour que nous croyions ; ce n’était pas un grand amateur de miracles ; mais il l’a fait par compassion et pour convaincre les hommes de son temps qu’il y avait en Lui une puissance divine ; il a toujours pris soin de lier la guérison du corps à celle de l’âme, la plus importante pour Lui.

 

Saint Jean dans la Première conclusion de son évangile (Je 20, 30-31)résume bien la question : « 30 Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre.31 Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. »

Selon le magistère de l’Eglise nous avons reçu par le Christ et par le récit de son enseignement par les apôtres tout ce qui est nécessaire pour croire. D’ailleurs un catholique n’est pas obligé de croire aux miracles reconnus par l’Eglise. Ces miracles qui peuvent encourager la foi du peuple de Dieu, ne sont pas des vérités à croire au même titre que celles qu’énonce le Credo.

La réalisation de miracles et l’envoi de signes par Dieu après la mort du dernier apôtre pose question quant à leur nécessité, mais qu’importe : Dieu est notre « Père tout puissant », nous devons accepter cette transcendance qui sera toujours un mystère pour l’Homme.

Jésus nous a laissé sa Parole, son Eglise et ses sacrements dans lesquels tous les jours des signes à l’effet invisible mais efficaces pour notre foi et pour notre salut nous sont accordés

 

 

 

 

 

 

[i]Site internet Lourdes

[ii]Le cardinal Lambertini futur pape Benoît XIV a établi au XVIIIème ces critères pour la « Congrégation pour la causes des Saints » (Source : FIAMC) : Le 1er critère, la maladie est grave, de pronostic défavorable. Deuxièmement, il faut que la maladie soit connue, qu’elle soit répertoriée par la médecine. Troisièmement, il faut que cette maladie soit organique, lésionnelle, c’est-à-dire qu’il y ait des critères objectifs, biologiques, radiologiques, tout ce qui existe actuellement en médecine ; ce qui veut dire qu’aujourd’hui encore on ne reconnaîtra pas des guérisons de pathologies sans critère objectif précis comme les maladies psychiques, psychiatriques, fonctionnelles, nerveuses etc. Quatrièmement, il ne faut pas qu’il y ait de traitement qui vienne interférer dans la guérison. Le 5ème est très important, qui est le moment de la guérison lui-même : la guérison doit être subite, soudaine, instantanée, on pourrait dire : immédiate, sans convales­cen­ce. Cela ce ne se voit jamais en médecine. C’est un critère différentiel fonda­mental. Après la guérison, il y a encore deux critères: il faut que ce ne soit pas simplement une régression des symptômes mais bien un retour de toutes les fonctions vitales, et enfin, que ce ne soit pas simplement une rémission mais bien une guérison, ce qui veut dire quelque chose de durable et de définitif

[iii]Source : principalement à partir du Communiqué de l’évêque de Beauvais