Le temps du carême (3)
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Chers frères et sœurs,

En continuant à me laisser inspirer par les lectures de ce dimanche, le deuxième dans ce carême de l’année A, je voudrais réfléchir avec vous à notre « vocation sainte ».

L’expression se trouve dans l’épître sous la plume de saint Paul : « Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce » (2Tm 1, 9a). L’Apôtre nous dit clairement que cette élection n’est pas due à nos mérites ou à nos qualités mais à la liberté de la grâce de Dieu et à son projet bienveillant qui dépasse tellement la question de nos seules personnes.

 Il n’y a donc pas à tirer orgueil de la grandeur et de la dignité de notre nom – c’est-à-dire de notre état – de chrétiens. D’ailleurs, l’attitude générale des chrétiens n’est pas tellement aujourd’hui de tirer orgueil du fait d’être chrétiens mais plutôt de nier cette grandeur, ce qui est sans doute l’effet d’un plus subtil orgueil.

Pourtant, je l’affirme, c’est bien un titre de gloire que d’appartenir au Christ. C’est un titre de gloire et aussi un appel redoutable qui peut nous faire frémir.

Voyez Pierre : juste avant cet épisode de la Transfiguration (Mt 17, 1-9), il vient de recevoir une éminente place dans le projet de Dieu (16, 17-19) mais aussi de refuser la passion et la mort du Christ, certainement parce qu’en fait, il a peur de le suivre sur ce chemin (16, 22-23). Pour nous aussi, à y bien réfléchir, parce que nous oublions trop souvent la puissance de la grâce de Dieu, il y a une tentation d’oublier cette grandeur en même temps que la radicalité de notre appel.

En première lecture, nous avons entendu l’appel d’Abraham qui s’appelait alors Abram. Son élection et l’élection d’Israël qui en découlera peuvent nous étonner. Pourquoi Dieu se révèle à cet homme de préférence à tous les autres, à ce peuple de préférence à toutes les nations ?

L’élection d’Abraham est en vue d’une bénédiction de toutes les nations et l’élection d’Israël, appelé justement “le peuple élu”, est pour le bien de toute l’humanité. Israël a pour vocation de témoigner du Dieu unique, Dieu qui se révèle, qui fait alliance et fait grâce, Dieu qui sauve et transmet des commandements qui libèrent et donnent la vie. Finalement, la vocation d’Israël est surtout celle d’être le berceau du Messie en qui s’est résumée et s’est accomplie toute la vocation sainte d’Israël. Simplement, c’est seul qu’il a accompli cette vocation, seul aujourd’hui dans la nuée lumineuse et désigné par la voix du Père (17, 8), seul bientôt cloué sur une croix en dehors de la Ville Sainte. Lui seul pouvait accomplir cet appel, le Père nous le confirme, mais à partir de lui, cet appel peut résonner dans tous les cœurs par « l’annonce de l’Evangile » (2Tm 1, 8.10).

C’est ainsi, frères et sœurs, que nous avons été associés au Christ et que nous sommes aujourd’hui appelés « avec la force de Dieu, [à prendre notre] part des souffrances liées à l’annonce de l’Evan­gile » (1, 8b).

 Voilà donc la forme ultime que prend notre vocation sainte.

 Le Christ est seul, seul Révélateur et seul Sauveur, mais nous sommes, par grâce et en raison de son projet, unis à lui pour annoncer l’Evangile. Pierre, Jacques et Jean ont été appelés, mis à part, parce qu’ils ont une vocation sainte et ils auront à Gethsémani et ensuite dans l’histoire de l’Eglise naissante une place particulière à tenir. Ce n’est pas un privilège pour eux ; c’est un appel, aussi redoutable que miséricordieux.

Nous-mêmes, si nous avons la grâce de connaître le Christ qui est « le chemin, la vérité et la vie », ce n’est pas pour que nous gardions égoïstement ou lâchement ce trésor pour nous mais pour que nous le donnions au monde, à tous ceux qui ignorent le Christ.

Nous l’avons vu sur la montagne, « lumière né de la lumière », venu marcher avec nous et nous ne pouvons pas nous taire et nous n’avons pas de consigne du Christ pour nous taire tant qu’il n’est pas ressuscité, car il est ressuscité et il envoie son Esprit pour faire de nous des témoins qui vivent l’Evangile et qui l’annoncent.

Dirons-nous que les idéologies et les religions humaines « reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes » (Nostra Ætate, §2) pour les priver du Christ et nous contenter de chercher à vivre en paix avec tous ? Prétendrons-nous servir la paix sans annoncer celui qui est « notre paix » (Ep 2, 14) ?

Pour que nous recevions avec joie et vraie disponibilité notre « vocation sainte », je vous bénis.

Ressources

Gn 12, 1-4a (1re lecture du 2e dimanche de carême de l’année A)

2Tm 1, 8b-10 (épître du 2e dimanche de carême de l’année A)

Mt 17, 1-9 (évangile du 2e dimanche de carême de l’année A)

Questions pour la réflexion commune

En quoi le temps du carême m’est précieux pour recevoir et pour vivre ma vocation sainte ?

Comment l’Evangile lui-même façonne la manière dont je vais annoncer le Christ ? Pourquoi l’incomparable connaissance du Christ ne me donne droit à aucune supériorité sur l’autre ?

Ai-je l’idée que toutes les religions se valent ? Quels sont les raisonnements qui freinent mon zèle missionnaire ?