La Semaine Laudato Si
Cinq ans après sa parution, il ne s’agit pas de fêter l’anniversaire de cette encyclique mais plutôt d’accueillir sa réflexion et son interpellation qui avaient été reçues alors avec grand intérêt très au-delà des cercles catholiques. Pourtant, ne l’avons-nous pas laissée presque sans suite alors que le Pape y soulignait l’urgence d’agir non seulement pour le climat, l’eau ou la biodiversité mais aussi pour les hommes, surtout les pauvres et les générations à venir ?
Aujourd’hui, s’ajoutent toutes les conséquences de la pandémie actuelle. Alors que nous n’en sommes, en France, qu’au tout début d’un déconfinement qui s’annonce long et lent, beaucoup s’interrogent sur la manière de reprendre leur vie et la vie du monde qui aura été si violemment impactée. N’y a-t-il pas là une opportunité de prises de conscience et de conversions ?
En nous invitant à vivre cette Semaine, le St-Père demandait : « Quel monde voulons-nous laisser à ceux qui viennent après nous, aux enfants qui grandissent aujourd’hui ? » Comment la question de l’écologie humaine ne rejoindrait-elle pas la préoccupation du plus grand nombre et donc aussi de nous-mêmes, personnellement et en paroisse, là où nous pouvons agir ?
Le mail de la “méditation du jour” (on s’y abonne sur le site internet) nous aidera à réfléchir à nos responsabilités aux niveaux de la personne, la famille, la paroisse et la ville, les pauvres, l’entreprise et le monde, en sachant que « tout est lié ». Répondons à l’appel du Pape : « La clameur de la Terre et la clameur des pauvres ne peuvent pas durer plus longtemps. Prenons soin de la création, don de notre Dieu bon et créateur. Célébrons ensemble la Semaine Laudato Si’. »
Abbé Bruno Bettoli
Témoignage « Tout est lié »
“Une démarche commencée en couple il y a cinq ans après avoir vu le film “Demain” et lu l’encyclique “Laudato Si ».
Cultiver ici à Viroflay un tout petit bout de potager au bout de notre jardin, expérimenter les principes de la permaculture.
Faire l’apprentissage de la vie qui se déploie dans la nature, l’interaction des plantes et du sol vivant.
Se remettre dans une attitude de respect de la nature, entendre “le cri de la terre et le cri des pauvres”, entendre l’appel du Christ dans ces appels-là.
Par ce geste d’abord symbolique, témoigner de notre volonté de changer concrètement nos modes de vie pour un meilleur rapport au monde et aux autres, respectueux de la terre, ses ressources limitées,
Ne jamais oublier l’urgence de la lutte contre le changement climatique dont les effets seraient tellement plus désastreux et globaux que la crise que nous venons de vivre avec la pandémie du Covid et en souvenir de ma femme emportée par cette maladie il y a 6 semaines.”
Christophe
Résumé de l’encyclique
« L’incipit qui sert de titre à ce texte est tiré du cantique des créatures appelé aussi Cantique du Soleil.
Un poème que st François d’Assise écrivit peu avant sa mort dans la langue italienne du XIIIe siècle.
« Laudato Si, mi Signore » signifie « loué sois-tu, mon Seigneur ».
L’encyclique finit par une prière du pape François, qui s’achève aussi d’un « loué sois tu »
Le titre d’une encyclique est toujours pris à partir de ses premiers mots (incipit). Il est d’habitude en latin, mais ce n’est pas la première fois qu’une telle lettre est intitulée dans une autre langue.
La présente encyclique est datée du 24 mai 2015, solennité de la Pentecôte.
Laudato SI, le cri du pape François en faveur de notre planète
Laudato si s’inscrit d’emblée dans la lignée franciscaine, louant les beautés de la nature, notre maison commune, notre sœur, avec laquelle nous partageons notre existence. Aujourd’hui, notre sœur souffre et gémit, la maison va mal, et ses habitants aussi.
Le pape François n’est pas le premier pape à s’élever avec force contre la dégradation de la planète, mais cette encyclique est la première à aborder le sujet de façon aussi approfondie, faisant du souci écologique une véritable angoisse pour les générations à venir, un appel vibrant à la conversion.
Ce texte, au ton souvent dramatique, se décline comme une vaste fresque d’un monde post industriel qui a fait de la croissance économique son moteur principal, n’écoutant ni la clameur des pauvres, ni les gémissements d’une planète à bout de souffle. Conscient de la complexité des problèmes, le pape François lance un appel pressant pour que tous, dirigeants politiques, financiers, économiques, et citoyens dialoguent, agissent et… changent de vie.
Chapitre 1 : ce qui se passe dans notre maison
Pollution, culture du déchet, réchauffement climatique, déforestation, extinction des espèces, problème de l’eau, le pape revient longuement sur la dégradation de notre environnement, qui va de pair avec la dégradation sociale. Car, rappelle François, nous ne pouvons aujourd’hui parler d’environnement sans écouter la clameur de la terre et la clameur des pauvres, exposés à toutes sortes de trafics et à la perte d’identité: situations insoutenables, qui peuvent conduire à de nouvelles guerres. Bien sûr, avance le pape, l’espérance chrétienne invite à reconnaître qu’il y a toujours une porte de sortie, mais l’actuel système mondial est insoutenable et la croissance n’a pas amélioré la vie quotidienne de certaines populations marginalisées.
Chapitre 2 : l’Evangile de la création
François revient longuement sur les textes bibliques. Oui, nous avons été créés, par amour, par un père créateur et unique maître du monde, attaché à la plus petite et insignifiante de ses créatures. Ce créateur nous a confié un monde fragile, interpellant notre esprit pour «reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre intelligence. « Ce monde nous est confié et nous marchons avec lui vers la plénitude de Dieu où le Christ ressuscite embrasse et illumine tout. Comment, se demande François, être écologiste sans avoir un amour sincère pour tous les êtres humains?
Chapitre 3 : la racine humaine et la crise écologique
Dans ce chapitre le pape revient sur le paradigme technocratique et la place de l’être humain et de son action dans le monde. Ne reniant pas le «merveilleux» de l’activité humaine et la créativité de tous ceux qui ont permis les progrès de l’humanité, le pape revient longuement sur cette technique qui donne à l’homme «un terrible pouvoir». Hier l’homme accompagnait la nature, aujourd’hui, il l’écrase. On presse les biens de la planète au-delà des limites. Cette logique de domination de la technique étend son emprise sur le politique et l’économie sans prêter attention aux conséquence négatives sur l’environnement. Et le pape de fustiger la théorie «bien installée selon laquelle la croissance des marchés est une solution aux problèmes de la misère».
Le pape revient sur la présentation inadéquate à ses yeux d’une anthropologie chrétienne qui conduit à soutenir que l’homme doit dominer la nature. L’homme, nous dit le pape, n’est pas « le seigneur de l’univers, il en est l’administrateur responsable ». Ce pouvoir de l’homme sur la nature a des conséquences désastreuses sur un style de vie qu’il qualifie de «dévié» c’est-à-dire en proie au «relativisme pratique» qui fait qu’on ferme les yeux sur l’exploitation des enfants, la traite d’êtres humains, la criminalité organisée, le narco-trafic, le commerce d’animaux en voie d’extinction… tout cela donne une culture corrompue, une logique du «utilise et jette» qui engendre tant de désastres.
Chapitre 4 : une écologie intégrale
Voici une expression chère au pape, sur laquelle il revint longuement dans ce chapitre, dans lequel il s’adresse plus précisément aux organisations politiques. Peut-on espérer que la législation et les normes relatives à l’environnement soient bien efficaces ? Pouvons-nous être sûrs que certains pays ne violent pas systématiquement les lois existantes ? Comment prendre en compte la construction de nouvelles villes, comment respecter les cultures locales, préserver les richesses des peuples ? Nous courons vers l’homogénéisation si préjudiciable à l’harmonie des cultures. Et le pape de s’alarmer contre les grands mégapoles, bruyantes, polluées, dont les habitants les plus pauvres s’entassent dans des quartiers insalubres. Nous avons besoin du beau, ne cesse de dire François, nous avons besoin de nous sentir à la maison, besoin de nous sentir en harmonie avec notre loi morale inscrite au fond de nous. C’est cela aussi qui fonde notre dignité. Allons-nous alors changer de style de vie ? Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? C’est avec des mots très forts que François conclut ce chapitre. «L’homme et la femme post modernes courent le risque permanent de devenir profondément individualistes, et beaucoup de problèmes sociaux sont liés à la vision égoïste actuelle axée sur l’immédiateté, aux crises des liens familiaux et sociaux, aux difficultés de la reconnaissance de l’identité».
Chapitre 5 : quelques lignes d’orientation et d’action
Le pape revient longuement sur les efforts du mouvement écologique mondial et les sommets mondiaux de ces dernières années. Il se félicite des avancées dans certaines stratégies écologiques et dans l’imposition de mesures adéquates. Mais il déplore un affaiblissement des États nationaux du fait de la finance et de l’économie qui a pris le pas sur la politique.
C’est avec force qu’il invite à un travail honnête et transparent pour que les besoins particuliers ne prennent pas le pas sur le bien commun. Et de prôner «une certaine décroissance dans quelques parties du monde mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties».
Chapitre 6 : éducation et spiritualité écologique
L’humanité doit changer et prendre un nouveau départ. C’est là la conclusion du pape. Et de donner des pistes pour un nouveau style de vie. Responsabilité des consommateurs, éducation à de nouveaux comportements, susciter une culture de vie au sein même de nos familles, éveiller au beau. François réveille nos consciences et appelle aussi l’Église à plus d’austérité responsable. Ce chapitre est l’occasion de tracer les lignes «d’une spiritualité de la sobriété, de la capacité à jouir de peu» et du retour à la simplicité.
Il termine par deux belles prières pour notre terre et avec la création.