L’APOLOGÉTIQUE (3) : La violence dans la Bible
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Chers frères et sœurs,

Dans la continuité avec le sujet de la semaine dernière, je voudrais aujourd’hui aborder la question de la violence dans la Bible, violence qui peut être celle des hommes, parfois au nom de Dieu, ou même celle de Dieu. Les auteurs sacrés parlent parfois de la colère de Dieu. Il n’est pas étonnant que cela heurte un lecteur même bienveillant.

 Ce 24e dimanche du temps ordinaire, dans la première lecture, nous entendions Dieu qui parlait ainsi à Moïse au sujet des Hébreux :

« ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! » (Ex 32, 10bc)

Cela dit, il faut d’abord reconnaître que la violence est clairement condamnée par la Bible et ce, dès l’Ancien Testament, à commencer par celle de Caïn qui tue son frère Abel (cf. Gn 4, 10) ou encore celle des hommes au temps de Noé (cf. 6, 13).

Je choisis, ici, de citer de larges extraits de l’article sur la violence dans le Vocabulaire de théologie biblique (VTB). « Dieu condamne toute injustice violente. […] Il stigmatise les crimes qui ne doivent pas se commettre tels ceux que décrit Amos […] : déporter des populations entières […], éventrer les femmes enceintes, incinérer les cadavres, rejeter la Loi, écraser les petits (Am 1, 1 – 2, 8). Le Seigneur  a pris parti pour Israël opprimé en Egypte (Ex 3, 9) ; il exige de lui un comportement semblable à l’égard du faible […]. Dieu se fait donc le défenseur des victimes de l’injustice des hommes, et plus spécialement de l’orphelin, de la veuve, du pauvre. »

Dans le même temps et justement pour apporter la justice, Dieu apparaît usant de la force et finalement participant à la violence. Poursuivons avec le VTB.

« Eduquant Israël au milieu des nations idolâtres jusqu’à la naissance du Messie, le Dieu de l’Alliance prend au sérieux la condition dans laquelle vit son peuple et, au nom même de l’Alliance, se présente comme un terrible Dieu guerrier. Il extermine les premiers-nés d’Egypte (Ex 12), il exige l’anathème (Jos 7) et se met à la tête du combat (vg 2S 5, 24). […] Ce faisant, Dieu n’est pas violent aux yeux de la Bible, car il ne transgresse pas l’Alliance dont il est l’auteur et le garant. »

Il faut reconnaître là la progression de la révélation divine dont je parlais la semaine dernière. L’antagonisme radical entre Dieu et le Mal est expérimenté par Israël et d’abord fermement établi. Restera ensuite à mieux connaître Dieu pour comprendre que dans cet affrontement, qui nous vaudra le Salut, tout ne sera jamais commandé que par son amour.

En reprenant le texte de ce matin, Dieu finit par dominer sa colère et « renoncer au mal qu’il avait voulu faire à son peuple » (Ex 32, 14).

 Le langage nous surprend mais il manifeste l’opposition radicale entre Dieu et le Mal. Que dirions-nous si Dieu n’avait pas de colère devant le mal qui opprime ou défigure l’homme, sa créature bien-aimée ?

 Plus tard, dans le chemin progressif de la révélation, le prophète Osée exprimera précisément comment, si la colère de Dieu est légitime, son amour la domine toujours et l’oriente en capacité à se donner plus encore :

« Mon peuple s’accroche à son infidélité ; on l’appelle vers le haut ; aucun ne s’élève. Vais-je t’abandonner, Éphraïm, et te livrer, Israël ? Vais-je t’abandonner comme Adma, et te rendre comme Seboïm ? Non ! Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer » (Os 11, 7-9).

 Cela ne faisait évidemment qu’annoncer le mystère de la croix par lequel Dieu s’est ensuite engagé jusqu’au bout dans le combat contre le Mal en se donnant lui-même avec plus de force.

En regardant le Christ lui-même, on est parfois étonné de paroles ou d’actes qui peuvent paraître violents, même si ses appels à « ne pas riposter au méchant » et à « aimer ses ennemis » (Mt 5, 39.44) ne cessent de nous impressionner, surtout quand nous le voyons lui-même pratiquer ce qu’il enseignait. La “violence” de Jésus n’est jamais que l’expression de son engagement total contre le mal et de la force éminente de son amour. Toujours sa sagesse le guide.

Dans l’espérance du ciel nouveau et de  la terre nouvelle où résidera la justice, je vous bénis.

Note à propos de l’anathème

Il s’agit, dans la guerre sainte, de consacrer à Dieu tout ce qui peut être pris à l’ennemi. En général, cela se fait par la destruction, non seulement de ses biens mais aussi de sa vie. Nous sommes légitimement choqués par ces idées de guerre sainte et d’anathème mais encore une fois, il faut replacer tout cela dans la mentalité des auteurs humains de la Bible, inspiré par un Dieu qui les respecte et prépare patiemment la pleine révélation de son amour. En ce sens, il est intéressant de noter que dans la Bible, on part de la guerre sainte pour arriver au combat non violent du Christ contre les puissances du mal. Dans le Coran, on s’accorde à dire que c’est plutôt un chemin en sens inverse qui se fait à mesure que les versets sont délivrés par la prétendue révélation angélique.

Questions pour la réflexion commune

Quelle violence se trouve en nous ? Prenons le temps de reconnaître ce qu’elle peut avoir de légitime et d’illégitime ?

Quelles situations évoquées où le refus de la violence a pu cacher un manque de courage, une faiblesse contre le mal ou même une complicité avec lui ?

Quelle lecture spirituelle peut-elle être faite de la violence dans l’Ancien Testament, dans les psaumes par exemple ?