La Trinité
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Chers frères et sœurs,

Cette semaine, je vous propose d’aborder le sujet de la Trinité. Dans la question qui m’a été posée, l’objection était que les chrétiens seraient finalement polythéistes, objection qui vient notamment de l’Islam puisqu’on trouve par exemple dans le Coran :

« Et ne dites pas “Trois”. Cessez ! Ce sera meilleur pour vous. Allah n’est qu’un Dieu unique. Il est trop glorieux pour avoir un enfant. » (4, 171).

 Il faut bien reconnaître qu’il n’est pas immédiatement évident de dire que le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu et qu’ensemble, ils ne sont qu’un seul Dieu tandis que le Père n’est pas le Fils, le Fils n’est pas l’Esprit Saint et l’Esprit Saint n’est pas le Père ! Dans les faits, il me semble que nous rencontrons plus de “chrétiens” qui ne croient pas en la divinité du Christ – ce qui correspond à l’hérésie arienne – que de “chrétiens” qui croient en trois dieux. D’autres sans doute sont plutôt modalistes en estimant que “Père”, “Fils” et “Esprit Saint” ne sont que des noms désignant trois modalités de l’être divin, ce faisant ils ne parviennent pas vraiment distinguer les personnes divines.

Commençons par redire ce que nous croyons.

 La foi chrétienne, héritée de la foi mosaïque, est très clairement monothéiste. Ainsi, avec le symbole de Nicée-Constantinople, nous professons « un seul Dieu ». Jésus lui-même adhère à la profession de foi de l’Ancien Testament : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur » (Mc 12, 29 qui cite Dt 6, 4). Et en parlant de Dieu, il lui arrive de préciser qu’il est unique (cf. Jn 5, 44). La foi et la raison se rejoignent donc et affirment ensemble que « Dieu est la plénitude de l’Être et de toute perfection, sans origine et sans fin. Alors que toutes les créatures ont reçu de Lui tout leur être et leur avoir, Lui seul est son être même et Il est de lui-même tout ce qu’Il est » (CEC n° 213).

Cependant, nous ne nous contentons pas de réfléchir abstraitement sur « le Dieu des philosophes » (cf. le mémorial de Pascal) qui pourrait apparaître froid et même effrayant. Je pense aussi à ces thèses qui font le lien entre monothéisme et violence. Ce concept de Dieu unique, enfermé dans son absolu comme dans une tour d’ivoire, jaloux de ses prérogatives et n’admettant de fait personne auprès de lui ne porte-t-il pas en germe toute une logique de suprématie, de distance et d’exclusion ? On comprend qu’un Dieu qui apparaîtrait comme un tyran ne saurait avoir d’autres disciples que des petits tyrans. Il en est tout autrement avec « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », qui n’est autre que « le Dieu de Jésus-Christ ». Il en est tout autrement justement parce que Dieu est trinitaire ou pour le retraduire en termes philosophiques éclairés par la Révélation parce que « l’Etre même de Dieu est Amour » (CEC n° 221). Dieu s’est révélé comme étant « Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part. » Nous savons et nous proclamons au monde que Dieu, parce qu’il est Trinité, ne peut se tenir à distance de nous, très loin, très haut au-dessus de nous. L’élan d’amour par lequel le Père engendre éternellement le Fils en lui donnant part à la plénitude de son Esprit se prolonge jusqu’à chacun de nous dont il veut faire son enfant bien-aimé et à qui il veut se donner tout entier.

Que dire alors ? Nos problèmes métaphysiques ne sont pas résolus et il faudrait bien plus qu’un bref enseignement pour commencer à les aborder. Surtout, cela ne correspondrait pas à ce que la plupart d’entre vous attendent et qui pourrait leur être utile. Je sens bien d’ailleurs qu’il me faudra poursuivre cet enseignement pour ne pas manquer de vous ouvrir quelques pistes pour rendre compte de notre foi trinitaire. Cette fois-ci, je voudrais au moins rappeler cette belle façon de parler de la Trinité, une et sainte. Avec saint Jean, nous aimons redire que « Dieu est Amour » (1Jn 4, 8.16) et à partir de là, nous pouvons parler du Père comme de “l’Aimant”, celui qui aime ; et du Fils comme de “l’Aimé” ; et du Saint-Esprit comme de “l’Amour”. Ces simples mots pourront laisser deviner à vos interlocuteurs l’unicité et l’unité de Dieu en même temps que la distinction des trois personnes.

En invoquant sur vous la très sainte Trinité, je vous bénis au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Quelques définitions

Arianisme : hérésie due à Arius, théologien alexandrin du IVe siècle, qui affirmait que Jésus n’était qu’un homme, pensant ainsi préserver l’unicité de Dieu.

Modalisme : hérésie due à Sabellius, originaire de Lybie et installé à Rome au début du IIIe siècle, qui prétendait que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont différents “modes” ou aspects de l’Être divin, plutôt que trois personnes distinctes (ce terme de “personnes” peut porter à confusion mais nous le préférons souvent en français au terme d’”hypostases” qu’ont utilisé les conciles). Selon Sabellius, les trois personnes divines ne sont pas une réalité mais seulement une apparence pour nous.

Questions pour la réflexion commune

Avions-nous tous conscience que la foi chrétienne confesse la divinité du Christ ? Cherchons-en un indice dans le texte de la salutation angélique, c’est-à-dire le “Je vous salue Marie”.

« Il faut nécessairement que l’Être suprême soit unique, c’est-à-dire sans égal. (…) Si Dieu n’est pas unique, il n’est pas Dieu. » Que pensons-nous de cette affirmation de Tertullien (théologien carthagénien du IIe-IIIe siècle) ?

Quelle importance est-ce que nous voyons au fait que le Dieu unique soit trinitaire ? Y a-t-il des conséquences pour nous personnellement et socialement ?