La messe (19) – Du Pater au geste de paix
">

 

 

 

Chers membres des cellules,

 

La semaine dernière, j’ai très brièvement évoqué le Per ipsum, c’est-à-dire la doxologie qui conclut la prière eucharistique :

 

« Par lui, avec lui et en lui, à toi Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles. »

Ces paroles expriment comment l’Eglise, en présentant le sacrifice du Fils à son Père, se trouve entraînée elle aussi par l’Esprit Saint à s’offrir à Dieu. Pour que cela se réalise pleinement et de plus en plus largement, vient alors le moment de la communion du prêtre et des fidèles, précédé par un ensemble de rites préparatoires.

 

Le premier d’entre eux, nous le savons, est l’oraison dominicale, le Notre Père. A l’invitation du prêtre, d’une seule voix avec tous les baptisés, « nous osons dire » cette prière, « la prière que nous avons reçue du Sauveur ».

Nous la connaissons bien et il y aurait beaucoup à dire sur elle. Cela pourrait être un exercice intéressant de chercher comment chacune des sept demandes peut être mise en lien avec la communion. Je me contenterai de noter que c’est justement celle du milieu qui est la plus explicite à ce sujet, puisque nous disons : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ».

Immédiatement après le Notre Père, le prêtre continue la prière en développant la dernière demande :

 

« Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps ».

 

Ce développement – qu’on appelle l’embolisme – a été composé par l’Eglise de Rome au Ve siècle, au temps où les invasions barbares menaçaient la paix. Malgré ce contexte précis et particulièrement effrayant, la liturgie n’a pas perdu le sens des véritables dangers. Elle ne demande pas uniquement la paix militaire ou politique mais aussi et surtout la libération du péché et la bienheureuse espérance de l’avènement glorieux du Christ. Les ennemis et les dangers extérieurs ne nous font pas oublier ceux de l’intérieur et le légitime désir de paix pour le royaume d’ici-bas ne nous détourne pas de l’attente du seul véritable bonheur qui ne se trouve que dans le royaume des cieux.

Saisie par cette espérance, l’assemblée fait monter vers Dieu une acclamation :

 

« Car c’est à toi qu’appartiennent… ».

 

On la trouve déjà à la suite du Notre Père dans certains très anciens manuscrits des évangiles et on reconnaît là une pratique habituelle des Juifs qui terminent toutes leurs prières par une glorification de Dieu, comme l’Eglise le fait elle-même pour les psaumes par exemple. Ainsi la tradition de cette doxologie remonte à la première génération chrétienne si ce n’est au groupe des Douze sous la conduite même du Christ.

Par la suite, le thème de la paix reste présent, comme un fil rouge, jusqu’au geste de paix et même la conclusion de l’Agnus Dei : « donne-nous la paix ».

 

Cette paix est le shalom, la plénitude qui ne peut nous être donnée que par le Ressuscité. Lui-même l’avait promise à ses disciples (cf. Jn 14, 27) et l’avait ensuite présentée à eux comme le fruit de sa résurrection. A ce moment de la messe, le Christ est réellement – parce que substantiellement – présent au milieu de nous, sur l’autel, sous les espèces eucharistiques et c’est de lui que nous vient cette paix, exactement comme le soir de Pâques après qu’il avait été relevé des enfers et tandis qu’il se tenait au milieu de ses disciples en leur disant : « La paix soit avec vous. »

 

« Dans la charité du Christ », il nous est donné de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés.

(cf. Jn 13, 34 ; 15, 12).

 

La paix messianique et « l’unité parfaite » de l’Eglise ne peuvent venir d’ailleurs que de cette charité que l’Esprit Saint répand dans nos cœurs. Le geste de paix – qui est un rite facultatif – est très beau et très significatif mais il est aussi difficile à réaliser sobrement et de manière juste. Il faudrait en effet que nous parvenions à nous tourner vers nos frères sans nous détourner, dans un petit temps de relâchement et d’agitation, de Celui qui est présent sur l’autel.

 

Dans l’action de grâce pour la charité du Christ qui fait de nous son corps, je vous bénis.