Grand Débat National : appel aux catholiques
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Lundi 18 Février – 20h30 – Crypte Notre Dame du Chêne

Par son “Appel aux catholiques de France et à nos concitoyens” du 11 décembre dernier, la Conférence des Évêques de France a invité les paroisses de notre pays à « susciter des groupes d’échanges et de propositions », anticipant le projet de Grand Débat National lancé par le gouvernement, pour aider notre société à surmonter la crise dite des Gilets Jaunes. Nos évêques notent qu’elle a révélé la lassitude et les frustrations qui habitent une part importante de nos concitoyens, exprimant ainsi des attentes et de profonds désirs de changement.



Ces protestations ne sauraient laisser les chrétiens indifférents ; à Viroflay comme ailleurs, ils ne peuvent manquer cette occasion de servir la paix et la justice.

Je relaye donc volontiers cet appel d’abord en vous invitant à participer aux différentes rencontres organisées localement, notamment par les diverses associations et la municipalité de Viroflay.

Et je vous propose de nous réunir le lundi 18 février à 20h30 à la crypte de Notre-Dame du Chêne pour que nous échangions ensemble en nous appuyant sur les cinq questions citées par l’Appel des Évêques :

1/ Quelles sont selon vous, en essayant de les hiérarchiser, les causes principales du malaise actuel et des formes violentes qu’il a prises ?

2/ Qu’est-ce qui pourrait permettre aux citoyens dans notre démocratie de se sentir davantage partie prenante des décisions politiques ?

3/ Quels sont les lieux ou les corps intermédiaires qui favoriseraient cette participation ?

4/ Quel « bien commun » recherché ensemble pourrait fédérer nos concitoyens et les tourner vers l’avenir ?

5/ Quelles raisons d’espérer souhaitez-vous transmettre à vos enfants et petits-enfants ?

Je vous attends nombreux à cette rencontre et ne vois que des avantages à ce que vous y soyez accompagnés d’autres personnes intéressées, partageant ou non notre foi.                              

Abbé Bruno Bettoli

https://eglise.catholique.fr/conference-des-eveques-de-france/textes-et-declarations/468109-appel-aux-catholiques-de-france-a-nos-concitoyens/

La pensée sociale chrétienne, une ressource pour aujourd’hui

En 1830, la révolution industrielle amène des hommes, des femmes, des enfants à travailler dans des mines et des manufactures, sans leur offrir de quoi satisfaire leurs besoins vitaux. Confrontés à cette injustice, politiques et économistes ont cherché des solutions à ce qu’ils ont appelé « la question sociale ».

La philanthropie, le solidarisme, le mouvement coopératif, le christianisme social, le socialisme et le marxisme ont chacun tenté de proposer des réponses, qui ont fait émerger l’Etat Providence. Mais depuis une quarantaine d’années ont resurgi la question sociale et ce que Robert Castel appelait le « précariat », c’est-à-dire  la multiplication de personnes qui travaillent, mais dont le salaire ne permet pas de vivre dignement, et qui se retrouvent dans « l’incertitude du lendemain », pour eux et pour leurs enfants. +

La France possède un bon système de protection sociale qui diminue considérablement la pauvreté, et elle réduit sensiblement les inégalités. Mais toute une partie de la population qui perçoit peu de transferts sociaux, qui souhaite vivre de son travail et n’habite pas dans les grandes métropoles échappe aux analyses, aux politiques sociales et à la curiosité des médias.

Cette population vit généralement dans des territoires péri-urbains, qui n’ont pas ou ont perdu beaucoup de leurs services (publics et privés) de proximité. Leurs dépenses contraintes (logement, déplacements nécessairement en voiture) n’ont cessé d’augmenter et une grande partie de leur temps se passe sur les routes (travail, scolarité des enfants, santé, alimentation, culture, démarches administratives…). Ils se sentent les oubliés du développement et de  la mondialisation. Leur vote se traduit souvent en vote de protestation, un vote qu’ils jugent ignoré voire méprisé.

Les « gilets jaunes » portent une action collective, mais ne constituent pas un mouvement au sens où nous l’entendons habituellement, c’est-à-dire une organisation avec des représentants désignés et des revendications précises. On retrouve cependant chez eux l’exigence de participer directement aux décisions qui les concernent et d’être reconnus.

Le « vivre ensemble » se trouve bousculé, à un moment où les institutions qui servaient de corps intermédiaires sont très affaiblies (d’autant plus que l’Etat les a largement ignorées). Cette nouvelle « question sociale » s’inscrit dans une société qui voit les réseaux d’appartenance et de relations traditionnels  s’effriter (famille, communauté, religion…). 

Les actions violentes et médiatisées sont perçues comme les seules permettant d’obtenir des réponses. Cette violence détruit le pacte démocratique. Le lien social ne sera pas  retissé par la mise à mort d’un bouc émissaire. Il faut construire une démocratie plus participative, locale et nationale, une économie qui tienne compte de tous et de l’avenir de la planète et surtout reconnaître la dignité de chacun. Devant les questions posées par ce mouvement hétéroclite et mouvant, beaucoup de chrétiens – de tous horizons  –  s’interrogent sur le rôle qu’ils peuvent jouer dans la crise actuelle ; ils s’efforcent de mettre en avant les repères éthiques et les pistes d’action que propose la pensée sociale chrétienne et qu’expérimentent ceux qui agissent en son nom.

Avec son encyclique Laudato si’, le pape François a présenté une actualisation de la pensée sociale de l’Église particulièrement inspirante pour affronter les défis d’aujourd’hui. Il s’agit, par-delà le rappel des principes, de contribuer à l’établissement d’un diagnostic, d’engager des actions pour transformer la société en changeant nos modes de vie, et de trouver des sources d’inspiration. 

Laudato si’ invite à écouter en même temps la clameur de la terre et la clameur des pauvres, car nous faisons face à une seule et complexe crise socio-environnementale. Question sociale et question écologique sont intimement liées et il nous faut rechercher une justice sociale et écologique qui s’attaque en même temps à toutes les pauvretés et aux dommages affectant « notre maison commune ». Pas de justice sociale sans transition écologique et pas de transition écologique sans justice sociale. L’option préférentielle pour les pauvres est devenue indissociablement option pour la terre. 

Le respect de la dignité de la personne humaine passe par la participation de tous dans les institutions politiques et économiques. Nul ne devrait se sentir ignoré, inutile ou méprisé. Il nous faut revitaliser une démocratie qui soit davantage participative mais aussi  concevoir des modèles économiques qui ne laissent personne de côté. Les solutions existent (expérience territoire zéro-chômeurs, économie sociale et solidaire, etc.). Aurons-nous le courage de nous y engager ?

Remettre au centre la personne humaine et le soin à apporter à notre maison commune, c’est reconnaître que la consommation ne peut-être la finalité de notre vie. Notre projet de société ne peut être celui de la consommation sans fin pour entretenir une croissance matérielle illimitée. Cette croissance transforme tout en déchets – personnes et objets – et elle épuise les ressources limitées de notre planète. Aurons-nous le courage de réformer en profondeur nos modes de production et de consommation et donc nos styles de vie ? Aurons-nous le courage de dénoncer la croissance des inégalités de revenus et de patrimoine, catastrophique pour la vie en société comme pour « la maison commune » ?

Le souci du « bien commun », c’est-à-dire du bien de « nous tous » qui n’oublie personne, nous rappelle que nous ne relèverons pas les défis en nous repliant sur nous-mêmes dans des nationalismes ou des corporatismes étroits. Nous devons favoriser le dialogue pour faire de nos différences des richesses. Il nous faut retrouver le sens d’une hospitalité véritable qui sache, selon les mots du Pape François, accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.

La crise que nous traversons, comme toutes les crises, est une formidable occasion de poser des choix. Cette crise n’est pas seulement économique et sociale, elle n’est pas seulement énergétique ou écologique, elle est existentielle et spirituelle. Puiser à cette source vivante qu’est la pensée sociale de l’Église, c’est apporter, en croyants, en dialogue avec d’autres, une contribution capable d’ ouvrir des chemins d’espérance. 


 Joseph Thouvenel : “La doctrine sociale de l’Église nous unit”

Cette France périphérique marginalisée par la mondialisation concerne 60 % de la population, selon la classification du géographe Christophe Guilluy et davantage selon d’autres. Elle n’en peut plus de devenir un désert sans bureau de poste, sans maternité, sans médecin, sans usine, sans ferme et sans train ; elle n’en peut plus de payer toujours plus de taxes alors même que les services publics sont démantelés ; elle refuse la marche forcée vers la mondialisation économique ultralibérale et la globalisation culturelle sur lesquelles elle n’a aucune prise et qui se décident sans elle.

Il y a le feu. Notre maison commune France brûle. Cette atmosphère possiblement insurrectionnelle est inquiétante. Pour le gouvernement, l’équation semble insoluble : on ne peut emmener à marche forcée un peuple vers un « nouveau monde » qui le rejette. Devant un tel contexte, la situation pourrait devenir hors de contrôle. Or, dans la révolution, c’est toujours le plus fort qui impose sa loi, pas le plus juste.

Comment instaurer un dialogue social quand il n’y a plus de langage commun entre la sphère financière des mégalopoles et la France des périphéries, entre “les individus de n’importe où“, initiés et mobiles, et “le peuple de quelque part” ? Sur quelle réalité institutionnelle peut s’appuyer un tel dialogue quand les corps intermédiaires ont été sapés et que la représentation politique est décrédibilisée ? Comment trouver un chemin commun quand s’opposent “culture urbaine” mondialisée et culture populaire ?

Tels sont les contours de la question sociale contemporaine. Cette nouvelle question sociale est, sous certains aspects, plus grave encore que celle du 19e siècle, qui recouvrait principalement la condition ouvrière. Un ensemble de lois avaient alors pu la résoudre, au moins en partie. Aujourd’hui, la question sociale dépasse largement les conditions particulières d’une classe sociale, elle atteint la nature même du lien collectif, dans toutes ses dimensions : familiale, culturelle, économique, écologique, géographique ; dimensions que nie l’idéologie de l’économie financiarisée. C’est la cohésion d’un peuple et d’une nation qui est en cause.

Cette nouvelle question sociale dépasse les frontières, comme le montre l’extension du symbole des gilets jaunes au-delà de la France. Dans de nombreux pays, en Europe et dans le monde, la valeur travail, la dignité des travailleurs, leur droit à un juste salaire et à un environnement sain, sont quotidiennement bafoués. Cela concerne les structures économiques mais aussi la responsabilité de chacun, alors que la culture du « toujours moins cher » fait oublier que derrière chaque produit et chaque service, il y a des travailleurs et leur famille.

Dans le passé, des catholiques sociaux se sont levés pour défendre la classe ouvrière. Aujourd’hui, les catholiques doivent se lever pour soutenir le peuple de France et lutter pour un système économique mondial et une Europe au service du développement humain intégral. Nous devons avoir conscience que les fractures françaises ne seront pas résolues seulement par des lois mais par l’engagement de chacun.

Les catholiques doivent se mobiliser pour édifier des communautés solidaires, fondées sur un lien de responsabilité commune, qui puissent redonner à notre pays une perspective, un destin partagé, du travail, un lien par la culture populaire, une histoire continuée, un nouveau souffle familial, éducatif, écologique, spirituel et de vraies solidarités.

Nous sommes membres d’un peuple. La dignité de chacun est de participer à une grande œuvre commune et au bien de notre pays. Le devoir des catholiques, en ce temps crucial de l’histoire, n’est pas de défendre les intérêts d’une communauté, mais

de penser et mettre en œuvre un nouveau catholicisme social au service de l’universel et de notre pays.

Signataires : Joseph Thouvenel, syndicaliste chrétien ; Mathieu Detchessahar, docteur en gestion, professeur des Universités ; Guillaume de Prémare, délégué général d’Ichtus ; Patrice de Plunkett, essayiste ; Patrice Obert, Président des Poissons Roses ; Denis Moreau, philosophe, Professeur des Universités ; Emmanuel Gabellieri, philosophe, Professeur à l’UCLY ; Gaultier Bès, directeur-adjoint de la Revue Limite ; Pierre-Yves Gomez ; Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA ; Henri Hude, philosophe ; Bernard Bourdin, professeur des universités en philosophie politique ; Antoine Renard, président des Associations familiales catholiques en Europe ; Ghislain Lafont, Président de l’Académie d’éducation et d’études sociales ;Gérard Leclerc, journaliste ; Joël Hautebert, professeur des universités ; Diane de Bourguesdon, consultante en stratégie ; Marie-Joëlle Guillaume, écrivain ; Jean-Marie Andrès, président des Associations familiales catholiques

Contact : nouveau.catholicisme.social@gmail.com