Notre besoin de relations
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Chers frères et sœurs,

Avec la sortie du confinement, je suis heureux de savoir qu’au moins quelques-uns d’entre vous allez pouvoir vous retrouver au sein de votre cellule. Il y aura d’ailleurs bien d’autres domaines de la vie personnelle et sociale qui vont lentement se réanimer, différemment selon les situations. Bien sûr, tout ne s’est pas arrêté pendant près de huit semaines mais la règle générale était le confinement et les activités extérieures qui ont perduré étaient des exceptions à cette règle. Cela a profondément modifié notre vie quotidienne et notamment nos relations.

Cette expérience à laquelle nous étions si peu préparés a évidemment été très diverse pour les uns et les autres mais tous ont sans doute ressenti comme une amputation. Même ceux qui ont travaillé sans interruption en quittant leur domicile comme à l’accoutumée n’ont pas pu visiter un parent âgé ou découvrir un enfant nouveau-né, aller à un mariage, passer une soirée avec des amis, poursuivre une activité associative. Ce ne sont que quelques exemples et puisque je ne peux pas tout citer, je termine avec la si douloureuse impossibilité de participer à la messe dominicale. J’ai parlé d’abord d’amputation et vous verrez si ce terme vous rejoint. Pour d’autres, je parlerai même d’une sorte d’asphyxie, un manque d’oxygène. Je pense à ces personnes âgées qui se sont laissées mourir dans des maisons de retraite. Elles ne sont pas mortes du COVID-19 ni d’une autre maladie. Elles sont mortes parce qu’elles ont été privées trop longtemps des visites familiales et amicales qui étaient leur oxygène et ce qui les faisaient tenir d’une visite à l’autre.

Nous n’avions pas besoin d’une telle épreuve pour savoir que l’homme est un être social et qu’il est fait pour la relation. La variété des tempéraments qui fait qu’untel est plus introverti tandis que tel autre est plus extraverti ne change rien. Aucun d’entre nous n’est un individu qui pourrait vivre et se penser comme un tout absolument autonome, une réalité fermée sur elle-même. Comme les plantes qui font sans cesse des échanges avec le milieu extérieur, non seulement nous respirons aussi, buvons et nous nourrissons mais nous avons besoin des relations avec les autres et même nous sommes, d’une certaine manière, constitués de toutes ces relations. Nous savons qu’un bébé qui serait privé de relations dès la naissance ne peut pas survivre, même si on lui donnait tous les soins nécessaires. L’Histoire rapporte cette horrible expérience de l’empereur Frédéric II au XIIIe siècle qui aurait confié à des nourrices plusieurs nouveau-nés avec ordre de ne jamais leur adresser la parole. Son objectif était de découvrir dans quelle langue ils s’exprimeraient. Finalement, tous ces enfants moururent les uns après les autres. Si vous vouliez faire une démonstration inverse, vous penseriez probablement aux ermites. Outre que ceux-ci sont très rares, nous devons reconnaître que dans leur radicale solitude, ils ne sont pourtant pas absolument isolés. Le diocèse de Versailles a eu pendant des dizaines d’années une femme ermite dans la forêt du côté de Maule mais cette femme était très reliée à la vie du monde, à l’évêque, à l’Eglise (en étant fidèle le dimanche à la messe) et bien sûr à Dieu, comme chacun de nous mais probablement bien plus intensément que chacun d’entre nous.

Pour aller plus loin que des constats et des évidences, je voudrais terminer cet enseignement en redisant ce que la Bible nous enseigne. Au premier chapitre de la Genèse, nous apprenons que « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme » (1, 27) et bien plus tard, avec la plénitude de la Révélation venue par Jésus Christ et l’Esprit Saint, nous découvrons que ce Dieu qui créa l’homme à son image est trinitaire, c’est-à-dire, qu’il est comme une société, une société si parfaite que les trois qui sont en elle  sont UN. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont distincts les uns des autres et en même temps dans une parfaite communion. C’est évidemment le modèle indépassable de toute communauté, plus que le modèle, l’origine et la fin de chacune

d’en­tre elles. Cela est inscrit en chacun de nous et nous fait aspirer à la communion et donc à l’amour.

En attendant de continuer à scruter cette réalité ensemble, je vous rejoins déjà en vous bénissant.

Questions pour la réflexion commune

Comment ai-je vécu ce confinement ? Dirais-je que les autres m’ont manqué ? Quels autres ? En quoi ? Quelles sont les expériences communautaires qui m’ont constitué et quelles sont celles qui me font vivre aujourd’hui ?