La messe (20) – La fraction du Pain
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Chers membres des cellules,

 

Après le geste de paix avec lequel je terminais mon précédent enseignement, vient la fraction du pain effectuée par le prêtre tandis que l’assemblée chante l’Agnus Dei.

 

La fraction du pain est un des tout premiers noms donnés à la messe qui se réduisait peut-être alors au récit de l’institution et à la communion. Dans les Actes des Apôtres, il est dit que les premiers chrétiens « étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2, 42). Cela faisait référence au geste de Jésus lui-même au cours du dernier repas (cf. Lc 22, 19), lui qui avait auparavant partagé le peu de pain qu’on lui avait donné pour nourrir de grandes foules affamées (cf. Lc 9, 16).

Idéalement, on dirait la messe avec un seul pain qui serait partagé entre tous. C’est évidemment impossible avec nos grandes assemblées mais le rite de la fraction rappelle symboliquement cela. Le Christ est unique et il est, lui seul, le pain pour tous.

 

Au tout début de son histoire, l’Eglise a risqué de connaître une division entre disciples venus d’Israël ou du monde païen. Les Juifs, ayant gardé leurs réflexes, ne voulaient pas manger à la même table que les Païens et du coup, ne pouvaient participer à la même messe.

Dans l’évangile selon Saint Marc, il y a deux miracles pour nourrir les foules : la première fois (cf. Mc 6, 35-44), les chiffres cinq (la Torah) et douze (les tribus) symbolisent Israël ; la seconde fois (cf. Mc 8, 1-9), les chiffres quatre (points cardinaux) et sept (septante nations) évoquent au contraire le monde des Gentils. Très peu de temps après, Jésus cherche à faire comprendre que les deux groupes sont appelés à recevoir le même pain parce qu’il faut se méfier du « levain des pharisiens » (Mc 8, 15) qui divise et surtout parce que les disciples n’auront jamais « qu’un seul pain avec eux dans la barque » (Mc 8, 14-21) de l’Eglise. Puisque le Sauveur est unique, l’Eglise doit être une (cf. 1Co 10, 16-17), comme vient de le rappeler le geste de paix. Si le premier effet du sacrement est la transsubstantiation, le second, et donc le but ultime de la messe, est la construction du Corps du Christ qu’est l’Eglise, dans l’unité.

 

Pendant la fraction, l’assemblée chante l’Agneau de Dieu en reprenant les paroles par lesquelles le Baptiste avait désigné Jésus (cf. Jn 1, 29).

 

Quelques instants plus tard, le prêtre fera de même en montrant le Corps du Christ aux fidèles et en les invitant à participer au « repas du Seigneur ».

 

Le rite de la fraction se termine par celui l’immixtion : le prêtre met un morceau du pain eucharistique dans la coupe. Ce geste rappelle que les premières fois où les prêtres ont célébré l’Eucharistie, ils mettaient dans leur calice une fraction d’hostie consacrée par leur évêque pour manifester leur communion avec lui et la validité de leur ministère. En faisant ce geste, le prêtre dit aujourd’hui une secrète : « Que le corps et le sang de Jésus Christ, réunis dans cette coupe, nourrissent en nous la vie éternelle. » Ces paroles confessent la présence réelle du Seigneur et annoncent le fruit attendu de la communion.

 

C’est l’occasion de rappeler quelques phrases de la séquence de la Fête-Dieu que nous aurons toujours du profit à méditer : « Sous des espèces différentes, signes seulement et non réalités, se cachent des choses sublimes. Sa chair est nourriture, son Sang est breuvage, pourtant le Christ tout entier demeure sous l’une ou l’autre espèce. Par celui qui le reçoit, il n’est ni coupé ni brisé, ni divisé : Il est reçu tout entier. Qu’un seul le reçoive ou mille, celui-là reçoit autant que ceux-ci et l’on s’en nourrit sans le détruire. […] Quand le Sacrement est rompu, ne te laisse pas ébranler, mais souviens-toi qu’il y a autant sous chaque fragment que dans le tout. La réalité n’est pas divisée, le signe seulement est fractionné ; mais ni l’état ni la taille de ce qui est signifié n’est diminué. »

 

La fraction du pain, ce geste si simple qui pourrait passer inaperçu, est, vous l’avez compris, rempli de significations. Il est même clair que je n’en ai pas épuisé le sens. Soyons toujours plus conscients que le Christ se donne à tous et à chacun, faisant grandir notre unité en lui. Je vous bénis.