La main de la providence
Lettre de Mgr Jeanbart
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Vous pouvez l’appeler «Providence » ou tout aussi bien, «Miséricorde Divine»! Il est un fait que si nous nous trouvons aujourd’hui, dans une situation particulièrement pénible et éprouvante qui nous mène quelques fois à la misère et au bord du désespoir, nous sentons en même temps, chaque jour un peu plus, la chaleur de la bonté divine nous entourer pour nous réconforter et nous soutenir par la miséricorde de sa Providence ineffable ! Il est vrai que, nos fidèles souffrent énormément des affres de cette guerre qui ne finit plus, et qu’à chaque levée de soleil, un autre jour, plein d’épreuves et de soucis, commence pour chacun d’entre eux, cependant il est aussi vrai que leur vie continue, évidemment dure et pénible, mais ils la supportent quand même avec ténacité et courage. Ils avancent malgré les nombreuses privations causées par la guerre et en dépit des contrariétés qui surgissent sans arrêt, par ci et par là, pour rendre encore plus dure leur existence. Contre vents et marées nous avançons, nous et nos fidèles, pour continuer à vivre chez nous, dans ce pays où nous sommes nés, nous et nos aïeux, et où les premiers chrétiens ont su, malgré tout, vivre résister et prospérer !

Il n’y a pas de secret, cette force que trouvent nos fidèles pour résister et pouvoir rester chez eux leur vient du Seigneur, Il les rassure par sa présence invisible mais réelle et sa miséricordieuse Providence qui ne cesse de se manifester dans son Eglise, mère aimante de ceux qui lui appartiennent ! Elle est toujours là, à leurs côtés, cette Eglise qu’il leur a léguée, vivante et disponible : pour raffermir leur bonne volonté par la Parole et la Liturgie, pour confirmer leurs engagements avec la force de l’Esprit Saint par son ministère sacerdotal et pour soulager leur souffrance par son action de miséricorde, caritative et sociale. Les chrétiens sont bien moins nombreux dans la ville d’Alep que ce qu’ils n’étaient avant la guerre, mais leur rassemblement massif autour de leurs églises et leur participation fervente aux offices est surprenant, il a de quoi redonner courage aux uns et aux autres et remplir nos cœurs d’espoir pour un avenir moins éprouvant et meilleur.

Parlons de notre diocèse, à titre d’exemple. Il comptait 12 églises en 2011 et n’en compte plus que 6 en fonction actuellement à Alep. Grâce à Dieu et au dévouement de nos 15 prêtres, encore actifs et présents dans la ville, l’affluence des fidèles aux offices et leur participation aux différentes célébrations liturgiques et aux activités pastorales est remarquable. Les mouvements d’action apostolique sont florissants. Nos 9 écoles et instituts de formation professionnelle luttent vaillamment pour continuer, malgré de nombreuses difficultés, à offrir leurs services à la jeunesse. Nos différents comités d’aide humanitaire, donnent leur plein rendement. Ils sont actuellement plus de deux cents cinquante enseignants et salariés et une soixantaine, les volontaires et bénévoles qui se dévouent pour faire avancer les nombreux programmes de secours humanitaire que nous menons dans le diocèse et qui malgré leur nombre se trouvent submergés de travail, on dirait une ruche d’abeilles! Tout cela nous stupéfait et nous enchante, ceci nous porte aussi à rendre grâce au Seigneur qui n’oublie point son Eglise et sait en tout temps la réanimer et manifester sa

Providence pleine de bonté pour les nécessiteux et les plus faibles des siens !

Cette Providence, dont nous expérimentons les bienfaits chaque jour un peu plus, a donné le mérite à nos bienfaiteurs d’être choisis pour concrétiser sa bonté! Tout en rendant grâce au Seigneur, nous ne pouvons oublier de dire notre reconnaissance à toutes et à chacune de ces personnes élues, qui ont généreusement tendu la main pour nous aider. En signe de gratitude, nous voudrions leur présenter dans les lignes qui suivent ce que, grâce à leur bonté, nous avons pu offrir à nos chrétiens éprouvés qui souffrent à Alep. Notre action peut être étayée sur 4 niveaux, regroupant 22 différents programmes d’aide.

 

I. Au niveau Pastoral

Bien que l’humanitaire nous presse en ces circonstances socio-économiques particulièrement difficiles pour nos fidèles, nous avons tenu à donner sa primordialité et toute son importance à l’action pastorale dans le diocèse. Cette action, menée par notre clergé assisté par un grand nombre de collaborateurs laïcs, a pu continuer et a même été intensifiée au cours de ces cinq dernières années. Les célébrations liturgiques autant que l’administration des sacrements et la catéchèse ont pu, malgré les entraves, maintenir leur rythme d’avant-guerre. Les relations entre fidèles et clergé se sont approfondies et les liens entre les membres de la famille chrétienne se sont intensifiés. Nous n’avions jamais vu autant d’affluence aux offices et aux différents rassemblements paroissiaux. Pour soutenir ce mouvement et le développer, le Diocèse a agi sur trois plans:

  • Un soutien particulier donné aux prêtres pour être présents et aussi disponibles que possible au service des fidèles dont ils ont la charge.
  • Un soutien continu et diversifié donné aux mouvements d’action apostolique, autant pour la pastorale des jeunes que des moins jeunes.
  • L’organisation continuelle d’événements de convivialité pour les familles et des activités culturelles, sportives et sociales pour les jeunes. Grâce à Dieu nos salles paroissiales^et les cours de nos églises ne désemplissent pas, matin et soir !

II. Au niveau de l’éducation

L’éducation de nos enfants et la formation de nos jeunes est, plus que jamais une priorité dans notre action socio-culturelle à Alep. En 2011 nous avions 4 écoles préparatoires, un grand Lycée et 3 instituts de Formation professionnelle. Ils étaient tous florissants et donnaient de très bons résultats. La guerre fut l’épreuve la plus importante face à laquelle ces établissements ont dû faire face. L’insécurité permanente dans laquelle nous vivons à Alep depuis cinq ans, troublait aussi bien les enseignants que les étudiants. Il a fallu délocaliser, à prix de très grands efforts de sacrifices et de dépenses, deux de nos écoles et trois de nos instituts pour sécuriser nos enfants. En même temps un très grand nombre de familles ont dû quitter la ville, ce qui a fait que le nombre des élèves a chuté de plus que la moitié, entre temps, ceux restés sur place n’avaient plus les moyens de payer leurs scolarités.

En effet un grand nombre de problèmes, logistiques administratifs et financiers, ont amené plusieurs de ces établissements à envisager la fermeture de leurs portes en attendant des temps meilleurs, ce à quoi le diocèse a réagi fermement. Nous avons dû faire de grands efforts pour les soutenir de toutes nos forces les encourageant à persévérer malgré toutes ces contrariétés. Nous y avons réussi, grâce au soutien d’un bon nombre de nos frères chrétiens en Occident. Les écoles et l’éducation étaient ce que nous pouvions offrir de meilleur à nos familles en ces temps de grande épreuve. Et les résultats de nos élèves sont excellents.

III. Au niveau Secours Caritatif d’urgence

La vie des citoyens en Syrie et plus particulièrement à Alep est particulièrement difficile en ces temps de guerre. Depuis la fin dé l’année 2011, le diocèse avait pris des mesures pour assurer tout ce qui pouvait secourir les chrétiens en matière de ravitaillement en cas de pénurie. Nous avions prévu le stockage d’une bonne quantité de vivres et de denrées alimentaires et nous nous étions préparés à offrir éventuellement, l’aide matérielle possible aux fidèles dans le besoin et plus particulièrement à ceux qui étaient les plus touchés par les affres de la guerre. En fait presque la totalité des chrétiens restés dans la ville sont dans une situation d’indigence presque totale. Un Comjté ad hoc avait été établi à cet effet et il avait pu, au fur et à mesure, organiser une action humanitaire devsecours d’urgence adéquate aux nécessités grandissantes des fidèles de la ville. A Cette action qui était au départ, primordialement dans le domaine alimentaire et de soutien financier, sont venues s’ajouter d’autres actions de secours et d’aides aux familles selon leurs besoins les plus urgents, et dans de multiples domaines. Nos différents programmes d’aide, actuellement assez diversifiés, sont exécutés par une soixantaine de collaborateurs, personnes d’un dévouement exemplaire et en grande partie bénévoles. Nous pouvons présenter ce qui est en train d’être réalisé actuellement de la façon suivante :

  1. Distribution de paniers de provisions alimentaires auprès de 1.500 familles dans nos centres paroissiaux. Le Comité travaille en coopération avec un groupe de prêtres et de laïcs engagés dans l’église, ce qui a permis à ces familles de recevoir chaque mois un panier alimentaire lui permettant de survivre, nous entamons déjà la cinquième année de ce programme.
  2. Face à l’arrêt des travaux dans les usines et le gel des activités commerciales et professionnelles en 2012, nombreux chefs de familles se sont retrouvés sans travail et sans aucun revenu financier leur permettant d’assurer le strict minimum des besoins ordinaires de leurs enfants. A cet effet, nous avons créé une “caisse des urgences” visant à procurer une somme mensuelle à ces familles, équivalente à près de la moitié d’un salaire chaque fin de mois, 850 familles sont heureuses d’en bénéficier aujourd’hui. Nous espérons avec l’aide de Dieu et la bonté de nos bienfaiteurs, pouvoir continuer à leur rendre ce service jusqu’au retour des gens à leur travail.
  3. Dans ces circonstances pénibles, nombreux sont ceux qui se trouvent devant la grande difficulté d’accéder à des soins médicaux convenables, nous avons pour cela élargi l’action de notre dispensaire communautaire et nous l’avons équipé de tout ce qu’il faut pour répondre aux besoins urgents dans les circonstances actuelles. Nous avons majoré le montant des subventions pour les soins médicaux et augmenté notre stock de médicaments à distribuer aux patients dans le besoin. Nous venons d’inaugurer un Medicare Day Center, qui sera en mesure d’offrir des soins médicaux avancés aux patients et épargner de la sorte à un bon nombre de malades une hospitalisation onéreuse, quand cela n’est pas indispensable.
  4. Nous avons ouvert nos couvents et nos institutions pour accueillir les familles déplacées qui n’ont plus de maison. Une centaine de familles sont logées actuellement dans l’une ou l’autre de nos institutions. Les locataires de nombreux appartements propriétés du diocèse ne peuvent plus payer leur loyer, malgré les moyens modestes dont nous disposons, nous avons pris à charge ce manque important à gagner. D’un autre côté nous essayons d’aider les familles chrétiennes qui ont dû quitter leur maison, soit à trouver une habitation provisoire soit, quand cela s’avère faisable, les aider en restaurant leurs logements endommagés par les bombardements. Nous avons pu cette année restaurer 260 appartements et nous sommes décidés à continuer encore cette année à offrir ce service vital à tous ceux qui en ont vraiment besoin.
  5. Entre temps un grand problème devait être résolu, c’est celui de la scolarisation des enfants. La situation financière de nombreux parents d’élèves devenue précaire, les a rendu incapables de payer leurs dus aux écoles de leurs enfants. Face à cette situation très pénible et vu les circonstances particulièrement éprouvantes et afin de permettre à nos jeunes de poursuivre leurs études et aux écoles chrétiennes de continuer leur mission, nous nous sommes trouvés dans l’obligation de créer un fonds de bourses scolaires à l’intention des élèves dont les parents sont devenus incapables de payer leurs frais scolaires. I! fallait sauver à la fois l’écolier dans ia poursuite de sa formation et l’école dans la poursuite de son fonctionnement. Nous avons réussi depuis l’année 2012 et jusqu’en 2016 à assurer près de 4000 bourses d’études et nous espérons pouvoir assurer 1200 bourses encore cette année-ci. Ce programme bien que assez onéreux nous a permis de répondre d’une façon concrète et significative aux demandes du nombre croissant de familles, en grande partie chrétiennes, matériellement très affaiblies par la guerre et en pleine détresse.
  6. L’hiver très dur que nous avons à Aiep, trous a obligé à lancer un programme de subventions, aux familles les plus besogneuses en vue de leur permettre de s’approvisionner en carburant pour réchauffer leurs foyers. Grâce à Dieu nous avons pu aider près de 1000 familles en 2014, 1100 en 2015 et nous avons dû faire encore davantage cette année-ci pour répondre au nombre grandissant des familles nécessiteuses, ce qui nous a porté à soutenir 375 familles de plus pour leur ravitaillement.
  7. L’arrêt de la fourniture d’eau dans les maisons, que la municipalité depuis près de deux ans ne pouvait plus assurer, en raison du siège de la ville et de la détérioration des canalisations, nous a obligé à entreprendre des forages de puits artésiens pour la fourniture d’eau et organiser sa distribution à un grand nombre de familles. Voilà déjà deux ans que cinq camionnettes munies de citernes et d’un système de pompage sont mises en service à cet effet. Un bon nombre de familles pauvres ne disposaient pas de citernes de réserve dans leurs maisons pour pouvoir emmagasiner l’eau, ce qui nous a obligés à installer des citernes de cinq cent litres, fabriquées ad hoc, dans les balcons de 520 de ces maisons. Ce qui a permis à ces familles d’être ravitaillées en eau toutes les deux semaines. En plus de ce service de première nécessité et pour ne pas priver nos anciens, vivant seuls, de leur besoin en eau potable, une équipe de jeunes volontaires a été chargée de porter régulièrement des bidons d’eau aux anciens chez eux, s’ils le demandent.
  8. La coupure du courant à cause de la destruction de la centrale électrique de la ville a obligé les gens à recourir aux distributeurs particuliers d’énergie. Les abonnés peuvent être raccordés à des générateurs, contre une somme d’argent. Malheureusement, un grand nombre de familles ne peuvent pas payer. Nousavons dû lancer à cet effet, un programme de subventions mensuelles qui a permis à près de quatre cents familles pauvres d’avoir de la lumière dans leur maison.
  9. Nos jeunes foyers, étant donnée la situation précaire dans laquelle ils se trouvent et en raison de tout ce qui se passe dans le pays, n’ont plus le courage d’avoir des enfants. Face à ce grave problème familial, nous avons, avec le début de l’année 2015, tenu à prendre à notre charge tous les frais d’accouchement, pour ceux qui le souhaitent et en plus nous nous sommes engagés à financer les familles mensuellement, leur assurant de la sorte toutes les dépenses encourues pour faire grandir leur enfant jusqu’ à l’âge de 4 ans. En d’autres termes, jusqu’à bien après la fin de la guerre, que nous espérons bien proche. Le résultat nous a surpris et à la fois enchantés, ils sont déjà plus de cent, les bébés que le Seigneur nous a donné jusqu’à ce jour! Quel beau signe d’Espérance pour l’avenir de notre Eglise qui subit actuellement les méfaits de l’émigration de sa jeunesse !
  10. Etant donné l’atmosphère triste et morose dans laquelle vivent nos chrétiens à Alep, privés de toute sortie, de tout temps de récréation ou d’un quelconque loisir, nous avons trouvé indispensable de leur donner quelques occasions de divertissement dans les salles de nos différentes paroisses. Nos jeunes ont organisé à cet effet des représentations théâtrales, des récitals, des rallyes sportifs ou des Kermesses. Les Comités de chacune de nos paroisses ont offerts plusieurs banquets dans leurs quartiers à l’intention des familles modestes, jeunes et anciennes. Les mamans n’ont pas été oubliées, elles ont pu avoir elles aussi des célébrations pleines d’égard et de générosité, aussi bien pour elles-mêmes que pour leurs familles, ce que les 95 mamans, invitées dernièrement à cette célébration, avaient particulièrement apprécié. Globalement pas moins de soixante-cinq tournois, récitals, concerts, événements festifs et de pique-niques ont pu être organisés ces deux dernières années et elles ont pu rassembler à chaque fois entre deux et trois cents personnes. Ces activités apparemment futiles, se sont avérées être de la plus grande importance, elles ont pu relever le moral des milliers de fidèles, qui ont pu profiter et jouir de ces nombreuses manifestations, organisées dans les paroisses des différents quartiers chrétiens de la ville. Les témoignages de reconnaissance d’un grand nombre de ces fidèles, nous avaient beaucoup touchés et encouragés.
  11. Un problème sérieux, qui risque de causer un grand malheur à un certain nombre de nos familles modestes, a surgi tout dernièrement, il s’agit des retards de paiement des traites dues à la Banque de l’Habitat. Cette Banque gouvernementale avait financé, avant la guerre, l’achat de leurs appartements à un bon nombre de citoyens, leur accordant des prêts, à très long terme et à de très bonnes conditions. Après 4 ans d’arrêt de paiement des traites, la banque a commencé a menacer les bénéficiaires de la confiscation et la vente aux enchères de leurs habitations, S’ils ne payaient pas, au moins une partie de leurs redevances, quitte à rééchelonner le reliquat de leur dette sur dix ans. C’est là, bien entendu, une urgence à laquelle nous ne pouvions manquer de répondre et pour laquelle nous avons participé en vue de secourir 59 de nos familles dans leur détresse. Il faut reconnaître, que les conditions très avantageuses du prêt initial, le prix au départ modique des appartements achetés, le grand nombre des traites déjà soldées et la dévaluation très importante de la Livre Syrienne, monnaie avec laquelle les contrats sont établis, rendent notre intervention faisable, sinon avantageusement indiquée pour sauver le logis de nos familles restées sans ressource aucune. Nous avons l’espoir que bientôt la paix leur permettra de payer eux-mêmes les traites réécrites pour le solde rééchelonné de leurs prêts, établis bien entendu en Livres Syriennes.
  12. En plus de tous ces programmes, nous avons dû entreprendre de nombreux travaux urgents et indispensables de restauration de la Cathédrale, des locaux de notre archevêché, de plusieurs Eglises, des écoles et presbytères atteints par les En même temps, il était nécessaire de trouver et d’aménager de nouveaux locaux pour les bureaux de l’Archevêché autant que pour la curie épiscopale, sans parler de l’aménagement d’une résidence provisoire pour l’évêque, réfugié jusqu’à tout dernièrement dans un couvent à Alep.
  13. Les transports devenus difficiles et inabordables, un grand besoin s’est fait sentir chez un grand nombre des associations catholiques, des troupes scouts et des mouvements de jeunesse chrétienne. Tous ces groupes avaient besoin de sortir ensemble, pour des camps ou des sessions de formation, ou encore pour les plus anciens, des randonnées de convivialité amicale dans l’un ou l’autre des couvents spacieux et accueillants de la périphérie Ouest de la ville d’Alep. Nous avons trouvé important de répondre à ce besoin vital pour le bien être de beaucoup de nos chrétiens, coincés qu’ils sont dans leurs quartiers et privés de sorties depuis des années ! Un service de transport gratuit a été créé à cet effet, durant tout l’été, nous avons mis à la disposition de qui le demande, cinq des grands autocars de notre Ecole Amal, ces bus ont été disponibles en permanence durant toute la période estivale. Des milliers de personnes, jeunes et adultes, en ont heureusement bien profité.

 

IV. Emplois et Reconstruction.

De nombreux pères de familles nous sollicitent pour les aider à trouver du travail. La situation désastreuse de destruction dans laquelle se trouvent l’industrie et le commerce dans la ville d’Alep, qui avant la guerre donnaient de l’emploi à plus d’un million de travailleurs, nous oblige à essayer d’offrir dans la mesure de nos moyens, à ceux qui veulent travailler, des solutions adéquates aux conditions contraignantes et difficiles dans lesquelles se trouve le marché du travail. En vue de répondre à tous ces besoins et dans le but de donner aux chrétiens des raisons suffisantes pour continuer à vivre dans leur pays, nous voulons faire tout ce que nous pouvons pour les aider à trouver un travail rémunérateur, satisfaisant et adapté à leurs conditions. Pour répondre à ces besoins et en prévision de l’après-guerre et des chantiers qui s’annoncent, nous avons lancé une campagne de sensibilisation, dont l’objectif serait de préparer aux nôtres un lendemain meilleur.

Pour tout dire, j’ai trouvé de mon devoir, en tant que Pasteur, de m’engager moi-même et d’engager avec moi mes confrères, aussi bien que le plus grand nombre possible de collaborateurs, choisis parmi les fidèles dévoués et disposés à travailler. Ensemble nous voulons nous tourner vers l’avenir et faire tout ce que nous pouvons pour permettre aux chrétiens de survivre et de continuer leur présence prophétique dans ce pays béni, pays qui a vu les premiers jours du christianisme et qui a été baptisé par le sang de millions de martyrs, versé par fidélité au Christ tout au long d’une histoire deux fois millénaire. Nous avons pour cela lancé un mouvement d’action et de sensibilisation, dont le nom «Bâtir pour Rester» indique le but recherché. Ce mouvement, qui se soucie principalement de l’avenir et de la pérennité de la présence des chrétiens en Syrie, a établi un programme, diversifié et significatif, en vue d’atteindre ses objectifs. Ce mouvement regroupe actuellement plus de deux cents membres chrétiens, toutes dénominations comprises. La mise en œuvre de son programme s’annonce onéreuse et assez coûteuse, ce qui a nécessité la création d’un fond de solidarité adéquat, destiné à répondre aux besoins de l’action préconisée. Un Conseil de laïcs experts a été établi à cet effet. Nous avons en même temps décidé de nous investir pleinement et avec tous les moyens dont nous disposons, pour atteindre l’objectif souhaité.

Ce mouvement a actuellement mis en place un programme de développement et lancé une action dans cinq domaines simultanément au service de tous les chrétiens de la ville d’Alep:

  • Formation professionnelle pour les métiers du bâtiment, en vue de la reconstruction attendue juste aprèsla guerre et qui donnera certainement beaucoup de travail au gens de métiers. Un Centre a été fondé à cet effet en 2015 et il offre actuellement 9 formations à une centaine d’apprentis.
  • Subventions pour la réparation des ateliers et divers petits commerces, de façon à permettre aux artisanset aux petits négociants de reprendre leurs activités et de travailler. Dans ce secteur l’intervention de « Bâtir pour Rester » n’est qu’à ses débuts, neuf projets ont déjà été subventionnés et entrepris jusqu’à présent en plus d’une Coopérative de distribution de produits alimentaires qui vient d’être mise sur pied par un groupe de dix personnes entre gestionnaires et manœuvres. Son objectif est d’offrir aux familles modestes des provisions à des prix très avantageux.
  • Prêts de solidarité à long terme et gratuits, offert s aux jeunes qui veulent lancer un projet qui puisse leurpermettre de vivre dignement et d’élever une famille sans avoir besoin de tendre la main à qui que ce soit. 61 prêts ont déjà été octroyés cette année.
  • Culture, promotion humaine et développement. Une série de conférences ont été données à des groupesde jeunes adultes à cet effet. Tout dernièrement des travaux d’aménagement d’une maison mise à disposition par le diocèse. Un centre culturel de formation, de loisir, de promotion humaine et d’émancipation féminine sera établi dans ce local d ici quelques mois, à l’intention des femmes d’Alep qui manquent de ce genre de services.
  • «Valorisation et distinction». Dans le cadre de notre action de développement et de promotion humaine et pour encourager nos jeunes à aller toujours plus haut, nous avons lancé un programme que nous appelons : « Primes à l’Excellence ». Cela fait deux ans maintenant que nous organisons des célébrations dans nos différents Instituts, mouvements et écoles pour honorer les plus dédiés à leurs tâches et responsabilités et les récompenser d’une façon concrète et significative. Cela donne l’exemple et incite les plus jeunes à chercher eux aussi la distinction et l’excellence et cela a tout l’air de bien fonctionner. Près de la moitié de nos bacheliers cette année ont excellé. Leurs résultats les rendent éligibles pour être admis en Médecine et poursuivre leurs études gratuitement aux frais de l’Etat !

Nous avons déjà initié notre action dans ces cinq secteurs. Les premiers résultats semblent bons et nous pensons aller de l’avant dans ces programmes et intensifier les nombreux autres services qui répondent d’une façon significative et concrète aux besoins actuels des gens dans le pays. Espérons que la tempête dévastatrice qui frappe notre pays, ne durera plus pour longtemps, et qu’avec la grâce de Dieu la Paix reviendra bientôt en Syrie. Nos fidèles pourront alors retourner tranquillement à leurs travaux et retrouveront chez eux une vie normale, en toute tranquillité et dans une atmosphère sereine, empreinte de cordialité et d’entente mutuelle entre les citoyens de ce pays dramatiquement éprouvé par la guerre.

 

Alep le 18 Octobre 2016

 

+Jean-Clément JEANBART
Archevêque d’Alep