La conclusion de l’Évangile de ce dimanche pourrait donner l’impression que Dieu a parfois le désir de punir : “C’est ainsi que mon Père du Ciel vous traitera si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur.” (Mt 18,35)
Mais prêter à Dieu un tel désir serait en opposition avec tous les passages de l’Évangile où Jésus nous dit que Dieu pardonne et qu’il aime pardonner.
On serait surtout en opposition avec les lignes qui précèdent : qui sont une invitation à pardonner sans limite : Jusqu’à 70 fois 7 fois !
Les mathématiciens ont un symbole pour représenter l’illimité : une sorte de 8 horizontal… les Juifs disaient : 70 fois 7 fois.
Notre pardon, comme celui de Dieu, doit être sans limite.
Cette parabole signifie que Dieu veut pardonner… mais qu’il ne peut pas toujours le faire. Dieu ne peut pardonner que si l’homme est réceptif à son pardon. Il faut donc se demander en quoi consiste notre refus du pardon de Dieu.
Ce refus n’est jamais une chose simple. Il consiste moins en des paroles que dans une façon de vivre. On peut supposer que personne ne dit : “Seigneur, je vis dans le péché, et je n’ai pas envie d’être pardonné.”
Notre refus consiste, pour l’essentiel, à faire le mal, tout en prétendant qu’il n’y a là rien de mal. C’est un refus d’être conséquent. Ce n’est pas Dieu qui est inconséquent.
Et parmi tous les péchés, il en est un qui est particulièrement inconséquent, c’est le refus de pardonner.
On attend de Dieu qu’il nous pardonne… en refusant, nous-mêmes, de pardonner les broutilles qui nous opposent et nous séparent les uns des autres… en général des histoires d’argent ou de susceptibilité.
Ce n’est pas Dieu qui punit… c’est l’homme qui se ferme à son pardon : dans la mesure où il refuse de pardonner.
Ce point est si important que Jésus lui donne place dans le Notre Père, laissant ainsi entendre que le pardon des offenses est une condition de notre filiation adoptive.
Dans nos confessions, il y a des péchés dont on est plus ou moins honteux. Le refus d’aimer ou de pardonner n’est pas un péché qui suscite particulièrement la honte… et pourtant, il va directement à l’encontre du “commandement nouveau” de l’Évangile.
A l’inverse, il arrive que des chrétiens trop scrupuleux s’accusent de ne pas pouvoir pardonner. Ils veulent dire par là qu’ils ne parviennent pas à éprouver de la sympathie pour ceux qui les ont blessés.
Ils confondent le pardon et la sympathie. La sympathie ne se commande pas toujours : elle appartient au domaine affectif et sentimental… elle ne suit pas toujours le pardon… Dieu le sait. Ce qu’il nous demande, c’est de ne pas faire et de ne pas vouloir de
mal.
Pardonner c’est essentiellement vouloir pardonner : c’est prendre la décision et l’initiative de pardonner.
Dans cette parabole, Jésus ne dit pas que le roi laisse un délai à son serviteur : il ne remet pas à plus tard le remboursement… il lui remet sa dette purement et simplement.
Dix mille talents, c’est une somme immense. En fait, le serviteur est insolvable… mais en sortant de chez le roi, il ne doit plus rien.
C’est ainsi que Dieu aime pardonner. Devant une telle tendresse, comment pourrions-nous encore refuser de pardonner ?
JCP
L’aptitude à être pardonné
Dominicales n° 624 - 11 septembre 2011 - 24e dimanche du temps ordinaire (Année A)
L’aptitude à être pardonné