« Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière… » (Lc 9,62)
Dominicales n° 582 - 27 juin 2010 - 13e dimanche du temps ordinaire (Année C)
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« Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière… » (Lc 9,62)

On a vu, dimanche dernier, que l’Évangile de Saint Luc, à partir de ce chapitre 9, est présenté comme une montée vers Jérusalem et vers la Passion : « Le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde : il prit avec courage la route de Jérusalem. »
(Luc 9,51). La “route de Jérusalem” n’est pas un chemin facile : Jésus a choisi de donner sa vie.
Sur cette route il n’y aura pas de repos : « Le fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête. » (Luc 9,58)
L’homme qui lui disait : « Je te suivrai partout où tu iras », croyait en Jésus : il le considérait comme le Messie, et comme la plupart des Juifs, il croyait sans doute que la montée vers Jérusalem était une montée vers la gloire : une marche vers la prise du
pouvoir.
C’est pourquoi saint Luc regroupe ici trois paroles qui mettent l’accent sur la rupture nécessaire pour marcher à la suite de Jésus.
Ces paroles ne signifient pas que Jésus était indifférent aux personnes, ou qu’il était hostile à l’amitié et à l’amour filial : elles seraient en contradiction avec tout le reste de l’Évangile.
Au jeune homme riche, Jésus rappelle le commandement de Moïse : “Tu respecteras ton père et ta mère.”
Et après la mort de son ami Lazare, Jean nous dit que Jésus a pleuré.
Quant à saint Paul, il écrit aux Galates : « Toute la Loi atteint sa perfection dans un seul commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Gal. 5,14)
Étant admis qu’aucune parole de Jésus ne relativise l’importance de l’amour, on peut se demander quel est le sens de ces deux passages.
On remarque un point commun dans l’attitude des deux personnages qui veulent marcher à la suite de Jésus : « Laisse-moi d’abord enterrer mon père … laisse moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. » (Luc 9,59-61). C’est très actuel : on veut bien
être chrétien, mais il y a d’abord les études, d’abord la vie professionnelle, d’abord la famille !
Jésus, lui, demande la priorité.
Ce message n’était pas nouveau : il était dans l’Ancien Testament : « aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et par dessus tout », c’est donner à Dieu la priorité.
Élisée avait failli ne pas comprendre, mais il s’est ravisé (I Rois 19,19-21). On voit d’ailleurs que Jésus a les mêmes exigences que le prophète Élie.
Jésus n’est donc pas insensible aux personnes : il ne relativise pas l’importance de l’amour de ses proches, mais il nous rappelle la priorité d’un autre amour !
Aimer Dieu par dessus tout n’a jamais été un obstacle ou une limitation à l’amour du prochain, parce que servir Dieu, c’est servir l’Évangile : c’est annoncer aux hommes la Bonne Nouvelle, c’est les attirer vers Dieu, les aider à progresser dans la sainteté et
parvenir à la vie éternelle, et il n’y a pas de meilleure façon de les aimer.
« Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière, n’est pas fait pour le Royaume. » (Luc 9,62). Celui qui a décidé de dire « oui » à l’appel de Dieu, ne doit pas regarder en arrière. Sa vie aurait pu être différente, sans être mauvaise, mais,
puisqu’il a choisi la meilleure part, il ne doit pas rêver d’autre chose : il se gâcherait la vie.
Cette parole n’est pas dure, elle veut rendre libre celui qui a choisi de donner sa vie. Celui qui vit dans l’incertitude et passe sa vie à regretter les choix qu’il n’a pas faits et qu’il aurait pu faire, ne peut pas être en paix.
JCP