Les publicains étaient riches et détestés : ils étaient autorisés à collecter plus que l’impôt, pour toucher leur commission. Ils avaient une milice à leur service, et il arrivait qu’ils fassent usage de la violence. Dans des pays occupés, comme la Palestine,
ils étaient considérés comme des traîtres et des collaborateurs de l’occupant. Ils avaient donc une très mauvaise image.
Cela dit, les Romains n’avaient pas intérêt à confier un tel pouvoir à des gens totalement sans scrupule. Et il semble que Zachée, même avant sa conversion, avait un certain nombre de qualités qui le rendent sympathique.
Quand il se convertit, il “fait don aux pauvres de la moitié de ses biens”. Mais il ajoute : “si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus.” Ce qui suppose qu’avant cette conversion, il n’avait pas fait trop de tort, sinon, comment
aurait-il pu rembourser quatre fois ?
Un chef des publicains relativement honnête était dans une situation inconfortable. Il se faisait mal voir de ses collègues moins scrupuleux, et de toute façon, il était méprisé par les bien-pensants.
On peut imaginer que Zachée agissait avec une certaine droiture, sans se soucier du “qu’en dira-t-on”. Son comportement montre qu’il n’était pas prisonnier de son personnage. Grimper dans un sycomore quand on est un notable, et surtout un notable que tout le
monde cherche à prendre en défaut, cela suppose une certaine indépendance d’esprit vis-à-vis de l’opinion publique.
Cela manifeste également une certaine recherche spirituelle. S’il avait été sceptique ou endurci par le pouvoir et la richesse, il aurait regardé Jésus de loin, depuis sa fenêtre. Mais il a voulu s’approcher, au risque de se faire bousculer par la foule…
d’autant plus qu’il était petit.
Noyé dans la cohue, il n’est plus une personnalité, mais il s’en moque, et il grimpe dans son arbre. Et voilà que Jésus s’arrête au pied de l’arbre et l’appelle par son nom. Il lui dit : “Zachée, je viens chez toi.” Jésus s’invite chez lui… il sait bien qu’il
répond à une attente.
Là, c’est au tour de Jésus de se faire mal voir des bien-pensants. Ils estiment que Jésus, qui est si bien, devrait les fréquenter eux… il ne devrait pas fréquenter des pécheurs. Et parmi les pécheurs, les publicains étaient les plus infréquentables.
Mais ceux qui récriminent contre Jésus ne connaissent pas le secret des cœurs : ils ne savent pas que Zachée n’est pas plus pécheur que la plupart d’entre eux… et qu’il a un immense avantage sur la plupart d’entre eux : c’est qu’il ne joue pas un personnage ;
c’est un être libre. Il est peut-être pécheur, mais il est prêt à reconnaître ses torts.
Ceux qui récriminent contre Jésus sont doublement dans l’erreur. Ils ne soucient pas un instant, comme Jésus, de sauver les pécheurs : ils ne songent qu’à les condamner.
D’autre part, il ne leur vient pas à l’idée qu’eux aussi sont des pécheurs qui auraient besoin d’un Sauveur, et, de ce fait, ils se ferment au salut que le Fils de Dieu voudrait leur apporter. Il n’ont pas compris que, sans Dieu, tous sont perdus… et ils n’ont
pas compris que, dans sa tendresse : “le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.”
Zachée, lui est bienheureux : son cœur est ouvert au pardon ; et Jésus peut dire : “Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison.”
C’est la parole qu’il peut dire à chacun de nous, quand nous tombons à ses pieds pour accueillir son pardon. C’est ce qui caractérise le Sacrement du Pardon : c’est une révélation du pardon ; non pas une révélation en général, mais une révélation faite
actuellement à une personne : “Aujourd’hui, tes péchés sont pardonnés… Aujourd’hui tu es enfant de Dieu.”
JCP
“Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison.” (Luc 19,9)
Dominicales n° 591a - 31 octobre 2010 - 31e dimanche du temps ordinaire (Année C)
“Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison.” (Luc 19,9)