Des bergers et des mages
Dominicales n° 679 - 6 janvier 2013 - Épiphanie du Seigneur
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Des bergers et des mages

Les trois premiers Évangiles : Matthieu, Marc et Luc, sont appelés « synoptiques » parce qu’ils sont proches les uns des autres, alors que l’Évangile de Jean est très différent.
Chose curieuse, les deux récits de l’enfance de Jésus, qui font partie des synoptiques, devraient se ressembler. Or, ils n’ont pas de points communs en dehors du fait que Jésus est conçu du Saint Esprit, qu’il est né de la Vierge Marie à Bethléem et que Joseph
est son père adoptif.
Les exégètes semblent avoir trouvé l’explication ; ils ont remarqué que les épisodes de l’enfance, dans l’Évangile de Luc, avaient beaucoup de ressemblances avec l’Évangile de Jean : ce sont des récits bien construits, avec une entrée en scène des personnages,
un long développement et une conclusion. Saint Luc, qui était un disciple de Paul, et qui a beaucoup voyagé, a pu recueillir ces documents dans les Églises fondées par Jean dans la région d’Éphèse.
Jean est le seul disciple qui était présent au pied de la croix… et là, Jésus lui avait confié sa mère… il lui avait dit : « Voici ta mère. » (Jn 19,27)
Il est aussi le seul qui raconte les noces de Cana, avec cette parole de Marie : « Faites tout ce qu’il vous dira. » (Jn 2,5)
Il n’est donc pas surprenant que les récits de l’enfance, recueillis par saint Luc auprès des disciples de Jean, racontent l’histoire de Marie.
Une des différences entre Luc et Matthieu, est que le premier raconte la visite des bergers, et le second, celle des mages.
Cependant, les bergers et les mages ont plusieurs points communs : les uns et les autres sont présentés comme les premiers invités à la naissance du Fils de Dieu.
Les bergers, qui sont en bas de l’échelle sociale, sont les premiers à entendre la « Bonne Nouvelle » (Luc 2,10) de la naissance du Sauveur, et ils reconnaissent l’enfant comme Sauveur et Seigneur avant les habitants de Bethléem (Luc 2,17-18).
Dans l’Évangile de Matthieu, les premiers invités sont les Mages : ils ne sont pas pauvres et ils offrent leurs richesses, mais ce sont des étrangers. Matthieu veut nous dire que ce sont des païens qui ont reconnu Jésus comme le Roi-Messie avant le peuple
d’Israël.
Les bergers et les mages ont un autre point commun : ils n’ont pas le droit d’entrer dans le Temple de Jérusalem, le lieu de la présence de Dieu.
Les bergers ne sont pas forcément très pauvres, mais ils sont exclus de la vie religieuse : ils sont en contact avec le bétail, ils sont donc impurs et tenus à l’écart du Temple de Dieu.
Quant aux mages, comme tous les étrangers, le Temple leur est interdit.
Saint Matthieu écrit : « Jésus était né à Bethléem … or voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem. » (Mt 2,1)
On devine que le lieu véritable de la présence de Dieu, ce n’est pas Jérusalem, c’est Bethléem, où vient de naître un enfant.
Ni les mages ni les bergers n’auraient pu entrer dans le Temple, mais en allant vers cet enfant, ils font vraiment la rencontre de Dieu.
En écrivant ce récit, Matthieu se souvient que Jésus disait de lui-même : « Je vous le déclare, il y a ici plus grand que le Temple. » (Mt 12,6). Il disait aussi : « Détruisez ce Temple et, en trois jours, je le relèverai », et Jean précise : « Il parlait du
Temple de son corps. » (Jn 2,19-21)
Pour les hommes de toutes les nations, le lieu véritable de la rencontre de Dieu, n’est plus à Jérusalem, et ce n’est plus un temple de pierre, c’est la personne du Christ.
JCP