On sait que la rédaction des Évangiles a pris une quarantaine d’années, depuis la résurrection, en l’an 30, jusqu’aux années 70. On sait également que chacun de ces Évangiles a eu plusieurs rédacteurs successifs, qui ont rassemblé des documents transmis par
les premiers chrétiens : des recueils de paroles de Jésus, des récits de guérison, des paraboles, des événements importants de sa vie.
Ceux qui ont fait la rédaction finale des Évangiles ne mettaient pas par écrit une tradition restée purement orale ; la plupart des données qu’ils ont reproduites étaient déjà des documents écrits. Par contre, ils ne savaient pas toujours dans quel ordre
présenter ces documents qui n’étaient pas datés. C’est pourquoi les trois Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) nous transmettent, à peu de chose près, les mêmes paroles de Jésus, mais en les présentant dans un ordre et dans des contextes différents.
Ils ont respecté scrupuleusement les paroles du Christ, mais chacun les a mises en ordre selon des critères différents. Naturellement, ils ont placé au début de l’Évangile les récits du Baptême de Jésus et de l’appel des disciples, et à la fin, le récit de la
Passion et de la Résurrection… mais pour le reste ils ont organisé, comme ils ont pu, les textes reçus des premiers témoins, regroupant parfois des paroles traitant de sujets plus ou moins semblables. C’est ainsi que l’Évangile de ce dimanche rassemble des
paroles portant sur l’avenir, comme la destruction de Jérusalem ou la fin du monde : paroles écrites dans le style dit “apocalyptique”, particulièrement dramatique et symbolique, ce qui n’en facilite pas la compréhension.
À propos du Temple, Jésus avait dit, au début de ce chapitre : « Il n’en restera pas pierre sur pierre, tout sera détruit. » (Mc 13,2) Il est probable que c’est également à propos de cette destruction (qui eut lieu en l’an 70) que Jésus dit : « Cette
génération ne passera pas sans que tout cela n’arrive. » (Mc 13,30)
Par contre, la parole suivante change de sujet : elle concerne plus probablement la fin des temps : « Le jour et l’heure, personne ne les connaît : pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. » (Mc 13,32) Ce qui interdit toute
prévision et toute spéculation sur la date de la fin du monde.
Jésus veut apprendre à ses disciples à ne s’appuyer sur aucune réalité créée, pour ne mettre leur confiance qu’en Dieu seul. Et il a cette formule étonnante : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. » (Mc 13,31). Aucun prophète n’avait
jamais dit une chose pareille ! Sa parole est vraiment une parole de Dieu. L’univers est une réalité fragile et provisoire, mais ses paroles ne passeront pas. Pour les anciens, l’univers terrestre semblait immuable. Nos contemporains savent à quel point il est
fragile, et les scénarios catastrophe sont un genre à la mode.
Contrairement à l’opinion courante, les textes apocalyptiques ne sont pas écrits pour faire peur, mais pour relativiser cet univers et ses drames, et pour rassurer les croyants. L’univers est fragile, mais cela n’est pas très important : il ne faut pas que
cela nous inquiète. Il y a quelque chose qui ne passera pas : une réalité éternelle que seul le Fils peut nous révéler. Il nous appelle à entrer, avec lui, dans la vie trinitaire… le reste a donc peu d’importance.
JCP
“Mes paroles ne passeront pas.” (Marc 13,31)
Dominicales n° 553 - 15 novembre 2009 - 33e du temps ordinaire (année B)
“Mes paroles ne passeront pas.” (Marc 13,31)