Pendant longtemps les Juifs se sont représentés la vie éternelle comme une sorte de vie ralentie, qu’ils appelaient le Schéol, et qu’ils l’imaginaient comme un demi sommeil et un ennui éternel pour tous, qu’ils aient été bons ou mauvais.
Au IIe siècle avant J.-C. est apparue l’idée d’une destinée différente : heureuse pour les bons, et malheureuse pour les mauvais. C’est ce qu’on retrouve dans cet Évangile : « Un grand abîme a été mis entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient aller vers
vous ne le puissent pas, et que de là-bas non plus on ne vienne pas vers nous. »
Ce qui est une façon imagée mais explicite de dire que le salut ou la perdition sont des réalités ou des situations définitives.
Les chrétiens admettent volontiers que le salut ou le bonheur des élus soient éternels, mais certains ont du mal à admettre que la perdition ou la séparation de Dieu soient également éternels.
On dit parfois : “l’Enfer existe, mais il n’y a personne dedans !”
C’est une réflexion indigne d’un être intelligent : l’Enfer n’est pas un endroit, mais un état. S’il existe, c’est l’état de quelqu’un !
Jésus a dit : « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. » Quelle que soit la façon de comprendre ce langage, on ne peut pas aller jusqu’à lui faire dire : « Beaucoup sont appelés, et tout le monde est élu ! »
Si on du mal à croire cet enseignement de Jésus sur l’éternité de la séparation de Dieu, ce n’est pas seulement parce qu’on veut se rassurer, c’est parce qu’il nous semble inconciliable avec l’amour de Dieu.
On sait que Dieu pardonne toujours : quand un homme lui demande son pardon, il ne le refuse jamais… il aime pardonner.
Dans les récits de la création et du premier péché (Gen. 1-3), comme dans les paraboles, le langage est imagé, mais le message est très profond : c’est que Dieu n’a pas créé le péché. C’est l’homme qui est (en quelque sorte) le créateur du péché.
On peut dire, de la même façon, que Dieu n’a pas créé l’enfer. C’est l’homme qui crée l’enfer. En réalité, l’enfer est un état : un état de péché qui a ceci de particulier qu’il comporte le refus du pardon.
La perdition ne peut pas être un refus qui viendrait de Dieu. C’est un refus qui vient de l’homme : un endurcissement dans le péché… un refus définitif de demander pardon.
Si Jésus revient souvent sur ce thème, ce n’est pas pour que nous ayons peur de Dieu : ce n’est pas parce que Dieu serait dangereux !
Le seul être vraiment dangereux que nous rencontrerons dans toute notre vie, c’est nous-même : personne d’autre ne peut nous couper de Dieu, mais chacun de nous a le pouvoir de se couper de Dieu.
Jean Paul Sartre disait que l’enfer c’est les autres, ce qui était une grosse erreur ! Mais Sartre n’est pas une référence en théologie.
Dieu ne punit pas, mais il respecte totalement notre liberté.
Cette Parabole n’est pas une révélation sur Dieu, mais sur l’homme et la liberté qu’il a de refuser définitivement le pardon de Dieu.
Jésus nous met en garde contre nous-mêmes et notre liberté.
Et s’il est allé jusqu’à donner sa vie, c’est une façon de supplier les hommes d’accepter son pardon et de ne pas s’endurcir : il nous supplie de nous laisser réconcilier avec Celui qui nous aime comme un Père, et qui aime pardonner.
JCP
Qui est dangereux ?
Dominicales n° 587 - 26 septembre 2010 - 26e dimanche du temps ordinaire (Année C)
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