Frères et sœurs, j’aimerais revenir avec vous sur la question du mal.
A vrai dire, le mal n’est pas un problème, mais plutôt un ensemble de problèmes. J’essayerai d’en aborder quelques uns avec vous.
Il me semble que le sacrifice de Jésus apporte une première réponse.
En souffrant sa passion et en donnant sa vie sur la croix, le Fils bien aimé du Père nous invite à ne plus interpréter la souffrance comme le signe que Dieu punit, ou qu’il ne nous aime pas. On ne peut plus voir dans la souffrance une intention divine de faire du mal !
Dieu ne punit pas… mais généralement il laisse libre cours aux lois naturelles qui ont modelé cet univers depuis son origine.
Il est vrai que, lorsqu’il veut nous donner un signe de sa présence, il arrive que Dieu fasse une exception au déroulement des lois de la nature.
Il ne faut pas voir des miracles partout… mais il en existe, dans l’histoire récente de l’Église, qui ne sont pas moins étonnants que ceux de l’Évangile.
Notez que, devant cela, beaucoup deviennent sceptiques… et cherchent par tous les moyens à trouver aux miracles une explication naturelle.
Cela montre que les hommes manquent parfois de logique.
Quand un événement les fait souffrir, ils y voient très volontiers le signe d’une intervention divine et d’une intention de blesser… alors que rien n’autorise une telle interprétation, les lois naturelles ayant suivi leur cours normal.
Mais si Dieu fait exception à ces lois, pour guérir une blessure et donner un signe de son amour, ils ont les plus grands doutes sur un tel signe !
Ils voient partout lessignesd’un Dieu qui fait le mal… mais ils refusent les signes les plus évidents d’un Dieu qui fait le bien !
Quelle idée ont-ils de Dieu ?
Leur idée est que si Dieu est tout puissant, il devrait être constamment au service de notre bien être.
On trouve bon qu’il existe des lois naturelles, partout ailleurs dans l’univers, mais dans notre environnement humain, les exceptions à ces lois devraient être la règle, à chaque fois que nous le souhaitons !
Mais une telle conception du monde est absurde.
Et l’idée d’un monde où les hommes pourraient faire le mal, sans se faire de mal les uns aux autres, est encore plus absurde.
Mais ceux qui aiment discuter ne s’arrêteront pas là… et ils vous diront que Dieu aurait pu faire un univers dans lequel les lois naturelles n’auraient comporté aucune sorte de souffrance.
Là, on entre de nouveau dans la fiction… comment se représenter un tel modèle d’univers… aucun scientifique sérieux ne s’y risquerait.
Ce qu’on peut dire, c’est que, dans notre univers, aucune des formes un peu développées de vie animale n’aurait pu exister sans la souffrance.
En effet, la souffrance est un mécanisme de survie… elle est ce qui évite aux hommes et aux autres animaux de se détruire.
Elle a permis, dans le cours de l’évolution, l’apparition d’espèces animales de plus en plus complexes et fragiles.
Les hommes eux-mêmes, avec toute leur intelligence, n’auraient pas pu survivre sans la souffrance qui est un garde fou constamment actif.
Il arrive que des enfants viennent au monde sans cette sensibilité à la souffrance physique… ils accumulent blessures et fractures de toutes sortes… leur vie est infernale, et ces enfants-là donneraient tout… pour éprouver la souffrance qui ferait d’eux des êtres normaux.
Parvenus là, j’imagine que certains exigeront un univers comportant uniquement les “bonnes souffrances”… mais pas les inutiles.
Mais, vous devinez que, là aussi, on retombe dans l’absurde.
Quoi qu’il en soit, le message de l’Évangile, c’est qu’aucune souffrance ne doit être comprise comme le signe d’une volonté divine de faire du mal.
Et aucune souffrance n’est un mal absolu, dans la mesure où elle ne peut pas détruire la vie de la grâce et la filiation adoptive.
La seule chose qui soit un mal, au sens absolu, c’est le péché.
On arrive donc à la question : “Pourquoi le péché existe-t-il ?”
Si le livre de la Genèse (ch. 3) et Saint Paul (Rom 5) parlent d’un péché originel, c’est pour nous dire que Dieu n’est pas le créateur du péché.
Dieu n’a pas fait l’homme pécheur… il l’a fait libre… mais la liberté ne peut pas exister sans la possibilité de pécher.
Imaginer que Dieu aurait pu faire l’homme libre, sans la liberté de pécher, c’est avoir une fausse idée de sa toute puissance.
Dieu ne peut pas faire n’importe quoi… il ne peut pas faire un cercle carré ! Il ne pouvait pas non plus faire des êtres spirituels qui ne soient pas des êtres libres… et donc libres de pécher.
Ce que Dieu a voulu, c’est donner l’existence à des êtres capables de partager sa vie divine… et donc, à des êtres spirituels, à son image.
“Ceux que d’avance (avant la création du monde) il a connus, Dieu les a aussi destinés à être conformes à l’image de son Fils, afin qu’il soit le premier-né d’une multitude de frères. Ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés… il les a aussi justifiés… il les a aussi glorifiés.” (Rm. 8,29-30)
Tel a été le projet de Dieu… même si tous ne répondent pas à son appel (c’est le drame du péché), c’est à cela qu’il appelle chacun de nous.
Et cette gloire il ne pouvait la donner qu’à des être libres et spirituels.
On peut dire que, si Dieu n’avait pas pris le risque du péché, personne n’aurait pu partager sa vie et sa gloire éternelles.
Que Dieu vous bénisse, vous qu’il appelle à demeurer en lui.
JCP