En conservant deux cosmologies irréductibles l’une à l’autre, le rédacteur final de la Genèse nous fait comprendre que la révélation ne porte pas sur la cosmologie de ces deux documents, mais sur ce qu’ils ont en commun. L’un comme l’autre veut nous dire que Dieu est créateur de l’univers… ce qui est vrai quelle que soit la nature, la structure ou l’histoire de cet univers.
Dieu est le Créateur d’un monde en devenir.
Il apparaît, dans la Bible comme le Maître de l’histoire.
Saint Thomas d’Aquin, au 13ème siècle, faisait remarquer que même si le monde n’avait pas eu de commencement, Dieu en serait le Créateur.
Il ne faut pas se représenter la création comme un événement ponctuel.
Dire que Dieu est créateur, c’est dire qu’il fait exister l’univers.
Le problème du commencement de l’univers est relativement secondaire.
Que l’univers ait eu ou non un commencement dans le temps, il reste vrai que Dieu est créateur, à tout instant, de chaque particule de cet univers.
De ce fait, l’hypothèse d’une évolution et d’une complexification de la matière depuis les premières molécules d’hydrogène jusqu’aux vivants les plus complexes… suppose simplement que le Créateur tient dans l’existence un univers où, non seulement les individus, mais aussi les espèces, et la matière en général, sont en devenir.
Dans cette hypothèse, le Créateur fait exister une matière qui avait, dès l’origine, la possibilité de se donner toutes les structures qui sont apparues au cours de son histoire.
Pour cela, Dieu n’a pas besoin de guider ou d’orienter l’évolution… il n’a pas besoin de tricher avec sa propre création… il peut laisser faire le “hasard et la nécessité” : eux aussi font partie de sa création.
Frères et sœurs, vous avez lu et médité les deux récits de la Création : avec le discours de Paul aux Athéniens (Actes 17,24-28), ils ont inspiré votre action de grâces.
Ils vous ont aidés à prendre conscience de ce qu’est notre condition de créatures… c’est-à-dire de la totale dépendance de tout notre être par rapport à Dieu… une dépendance qui n’est pas celle d’un esclave par rapport à son maître, mais celle d’un fils par rapport à son Père… une dépendance qui n’est pas source de crainte, mais d’action de grâces, parce qu’il nous fait exister par amour… une dépendance qui n’est en aucune façon un obstacle à notre liberté, puisque c’est Dieu qui fait de nous des êtres libres.
“Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance… Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa.” (Gn 1,26-27)
Les termes d’ “image” et de “ressemblance” étant équivalents, on a là une quadruple répétition… ce qui est la façon biblique de dire l’importance du message, et la nouveauté de la création de l’homme par rapport à celle de toutes les autres créatures.
Ces termes sont ceux qui expriment, la ressemblance d’un fils avec son père… ce qui veut dire que l’homme est appelé à entrer dans l’intimité de Dieu… et donc qu’il est capable de le connaître et de l’aimer. L’homme n’est pas un animal comme les autres… lui seul est “à l’image de Dieu”… il est esprit, et c’est un être libre.
Les hommes de l’Ancien Testament ont toujours cru à une certaine survie de l’esprit humain… mais c’est seulement un siècle avant J.C. qu’ils auront la révélation de la destinée glorieuse et bienheureuse de ceux qui font le bien.
L’auteur du livre de la Sagesse comprend que si Dieu a fait l’homme à son image (Gn.1), cela suppose qu’il l’a fait pour une vie éternelle :
“Dieu a créé l’homme pour qu’il soit incorruptible, et il l’a fait image de ce qu’il possède en propre.” (Sg. 2,23)
Il a compris aussi que l’amour était le principe de cette vie glorieuse : “Les âmes des justes sont dans la main de Dieu et nul tourment ne les atteindra plus… Même si, d’après les hommes, ils ont été châtiés, leur espérance était pleine d’immortalité… Dieu les a éprouvés et les a trouvés dignes de lui ; comme l’or au creuset, il les a purifiés… Au temps de l’intervention de Dieu, ils resplendiront… et le Seigneur sera leur roi pour toujours… Ceux qui restent fermes dans l’amour demeureront auprès de lui.” (Sg. 3,1-9) Mais c’est dans le Nouveau Testament que le projet de Dieu nous est totalement manifesté… là, on comprend pleinement ce que signifie être à l’image de Dieu : “Ceux que d’avance il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d’une multitude de frères. Ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés… il les a justifiés… il les a glorifiés.” (Rom 8,29-30)
Etre à l’image de Dieu, c’est être frère du Christ et fils de Dieu avec lui. La vie éternelle est une entrée dans la vie des personnes divines.
Ainsi, la révélation de notre destinée, annoncée dès le premier chapitre de la Genèse, s’achève par la Bonne Nouvelle de notre filiation adoptive.
Que le Père vous bénisse, vous qu’il aime comme ses enfants.
JCP